De Montaigne au Roi Soleil

Au musée d’Aquitaine, il manquait un véritable espace muséographique entre les salles consacrées au Moyen Âge et celles du XVIIIe siècle. Les derniers aménagements y remédient.

 

Depuis le 15 mars 2024, le musée d’Aquitaine s’est enrichi d’un nouvel espace, De Montaigne au Roi-Soleil, consacré au XVIe et au XVIIe siècles, période marquée par l’humanisme, le développement de Bordeaux, les guerres de Religion et l’affirmation du pouvoir royal à Bordeaux. Le parcours est jalonné de nombreuses pièces jamais montrées au public.

 

Brillant ambassadeur

La pensée humaniste se développe et trouve l’un de ses plus brillants ambassadeurs en la personne de Michel de Montaigne. Dès l’entrée dans ce nouvel espace, on découvre la porte de l’hôtel de Jean d’Espagnet, président du Parlement de Bordeaux au début du XVIe siècle, jamais exposée. Puis le cénotaphe du célèbre philosophe et maire de Bordeaux (1533-1592). Sa présentation est accompagnée d'un montage vidéo présentant sa restauration en 2018 et l’opération archéologique menée, en 2020, sur un sarcophage de plomb contenant les ossements présumés du philosophe. Mais cette étude ne permet pas d’affirmer avec certitude qu’il s’agit bien de ceux de l’auteur des Essais. Un grand tableau de Joseph-Nicolas Robert Fleury décrit ses derniers moments alors qu’il assiste à la messe, dite dans sa chambre, dans son château de Saint-Michel de Montaigne.

Puis le visiteur admire la cheminée des Atlantes, typique de l’art baroque du XVIIsiècle, tout juste sortie des réserves du musée.

 

Ville tolérante

Grâce à la victoire de Castillon, le 17 juillet 1453, Bordeaux, redevenu française, prospère. Son commerce est réorienté vers les villes de l’Europe du Nord. Des cartes témoignent des échanges commerciaux avec les villes de la Hanse ou encore l’Irlande.

Les huit guerres d'origine religieuse, qui se sont succédé dans le Royaume de France de 1562 à 1598, se traduisent par de nombreuses violences militaires. Une statue d’Alphonse d’Ornano en prière honore cette grande figure militaire des guerres de Religion ; il fut maire de Bordeaux de 1599 à sa mort en 1610.

Malgré ces conflits, Bordeaux, ville tolérante, accueille plusieurs communautés protestantes et juives. En 1628, on compte un millier de protestants, français et étrangers et plus du double à la fin du siècle. On note en particulier la présence de familles britanniques et hollandaises installées pour affaires. La communauté juive est tolérée. Bordeaux et Bayonne accueillent les séfarades au XVIIe siècle, fuyant les répressions dans la péninsule ibérique. On dénombre alors une centaine de familles. Une stèle renvoie à leur arrivée.

 

Protéger Bordeaux

En poursuivant la déambulation, on découvre les conflits entre le pouvoir royal et la féodalité. Le Roi fait construire le château Trompette qui est tout autant destiné à protéger le pays contre une nouvelle offensive anglaise par le fleuve qu’à contrôler la ville fraîchement conquise.

La Fronde, qui naît à Paris en 1648, atteint bientôt Bordeaux. Elle lutte contre l’absolutisme monarchique et la pression fiscale imposée par Mazarin. Les habitants se soulèvent contre le duc d’Épernon, gouverneur de Guyenne, qui a ordonné de tirer sur la foule depuis la forteresse. Sous la conduite des opposants à la monarchie, l'Union de l'Ormée, ils prennent le château le 25 octobre 1649.

La bastide bordelaise est évoquée à travers des gravures et des vidéos. Tout à côté, trône un buste du cardinal François de Sourdis, archevêque de Bordeaux, réalisé par Le Bernin vers 1620.

La découverte de ce nouvel espace s’achève par la présentation d’un buste du Roi Soleil qui ornait le tympan de la porte royale, entrée principale du château Trompette. Symbole du pouvoir absolu, il a été dégradé lors de la Révolution.

 

 

Roger Peuron