Echec et maths

« Ce que je veux savoir avant tout, ce n’est pas si vous avez échoué, mais si vous avez su accepter votre échec », Abraham Lincoln

 

Une note éliminatoire au bac et un lycéen va prendre en horreur les mathématiques et toutes leurs composantes : arithmétique, algèbre, géométrie ou trigonométrie. Plusieurs années après, il vit un véritable calvaire, L’Obervatoire l’a rencontré.

 

        L’observatoire : Un échec scolaire peut-il expliquer pareil rejet de cette matière ?

      Pascal Euler

D’abord, le simple fait de s’appeler Pascal Euler* et d’être nul en maths ce n’est pas une sinécure. Et puis, elle n’est pas crédible cette discipline où l’on suppose le problème résolu, où on raisonne par l’absurde et où la diagonale le plus connue serait la diagonale du fou, avec l’espace comme exutoire pour la géométrie.

 

      Cette phobie se répercute-t-elle sur votre vie privée ?

      Recommandé par de hautes sphères et des cercles huppés, j’ai refusé un poste de chef de rayon, stagiaire dans les ressources humaines, je n’ai pu mener à bien une pyramide des âges. J’adore le cirque, mais je quitte la représentation dès que le trapèze entre en lice. Les voyages ? J’évite les Bermudes et leur triangle maudit, l’Égypte pour ses pyramides. Les plaisirs de la table ? Et si elle était de logarithmes… Le restaurant ? Déjà à Bordeaux j’ai banni ceux du triangle d’or, dans tous les cas je m’interdis les carrés d’agneau, le cône glacé, au moment de l’addition, j’ai parfois pris la tangente !

 

      Et si la thérapie passait par le sport ?

      La gymnastique et ses barres parallèles se sont refusées à moi. Je me suis écarté du football et de sa terminologie : centre, transversale, surface, ligne médiane. Le ski me plait assez mais j’évite la station des Angles.

 

      Luttez-vous vraiment contre cette obsession ?

      Pas assez, tant cette matière a des aspects inquiétants de la bosse des maths au prisme déformant, en passant par le compas dans l’œil. Et puis, le cercle peut être vicieux et ces sournoises concrétions ne les appelle-t-on pas calculs ?

 

      Et fonder une famille ?

      Il est révolu le temps où un œil coquin bravait le carré blanc du petit rectangle pour y surprendre des corps à la géométrie parfaite et aux courbes avantageuses. Un couple, c’est une équation à deux inconnues, j’en ai déduit que comme les trains ou les robinets, les femmes étaient des sujets à problèmes. À votre avis, pourquoi Platon s’est-il tourné vers la philosophie ?

 

      Constatez-vous des progrès dans ce combat ?

      Aucun, j’ai renoncé à la politique car les maths ne nous parlent que de droites « on admet que par deux points on peut faire passer une droite et une seule ». Encore heureux, et il existe aussi des droites parallèles.

Le facteur m’a présenté le calendrier de la Poste, je lui ai fermé la porte au nez en me remémorant que « si l’un des facteurs est nul, le produit est nul ».

J’ai la main verte mais quand à la Sainte-Catherine, on me dit que tout prend racine, j’ai peur que cette racine soit carrée ou cubique.

 

      Les nuits vous accordent-elles quelque répit ?

      Ah vous croyez ! Alors que j’imagine souvent qu’une nuée de sécantes, de bissectrices et autre abscisses s’abattent sur moi pour ne laisser que des segments atrocement mutilés, que je rêve parfois que je suis un roi bègue à qui on impose la terrible épreuve de prononcer indéfiniment les mots parallélépipède ou parallélogramme.

Ma vie est un enfer, mes nuits sont peuplées de cauchemars où Pythagore, Thalès et Euclide m’abreuvent de leurs théorèmes et de leur postulat, un monstrueux tétraèdre hante ma maison.

Sans calcul aucun, je vous ai administré la preuve par neuf de ce mal qui me ronge. Ce n’est pas moi, mais le mathématicien gallois Bertrand Russell qui a déclaré : « Les maths sont une science dans laquelle on ne sait jamais de quoi on parle ni si ce que l’on dit est vrai. »

                                                                             

Claude Mazhoud

 

 

·         Blaise Pascal (1623-1662) savant et mathématicien. Léonhard Euler (1707-1783) mathématicien suisse.