Haut les talons
Passionnées de talons hauts ou adeptes du plat, les arguments abondent.
William Rossi, docteur en médecine podiotrique américain, édite en 1976 Érotisme du pied et de la chaussure et déclare : « La plupart des femmes préfèrent aller en enfer en talons hauts qu'au paradis en talons plats. » Idée péremptoire ? L'Observatoire enquête auprès d'hommes et femmes de tous âges réunis chez Lisa.
Fans de talons
Quel est ce doux martèlement? Julie, 5 ans, juchée sur des talons aiguilles arrive sous les yeux étonnés de l'assistance. Elle se tord les chevilles mais imite si bien maman, menton relevé, fière, autoritaire, dominante! Complexe d'Oedipe, jeu ou désir de séduction précoce? Sa mère Lisa, 29ans : « Comme elle, j'ai toujours adoré les talons, fins, pleins, compensés, mules, sandales, bottes, bottines. Je me sens sûre de moi, plus mince, grande, belle, désirable, élégante, féminine, féline. »
Jean, 58 ans confirme : « C'est vrai, toutefois dans leur lutte pour nous égaler, nous surpasser, les femmes veulent nous dépasser, en proie à une crise identitaire. Je préfère un petit bouchon à une grande asperge, pouvoir passer mon bras autour de ses épaules, que lui arriver au menton. Cela dit, je les trouve esthétiquement aguichantes sur leurs échasses. »
« Que non, rétorque Anne, 61ans, pas d'émulation sexiste de ma part. Les souliers hauts affinent la silhouette, ajoutent un brin de chic vestimentaire, de sensualité et suscitent les regards admiratifs de la gent masculine, se croire femme fatale s'avère bon pour le moral. »
Henri, 53ans, réfléchit : « Le réflexe Cendrillon sommeille en elles, chacune pense qu'un prince séduit par le bel escarpin se pâmera devant elle, illusion. Le super-talon accentue vos longues jambes de gazelle, la cambrure de vos reins, la proéminence de votre postérieur artificiellement; le réveil peut décevoir ; nous fantasmons peut-être ; certains craquent mais beaucoup privilégient les qualités humaines aux mirages. »
Toutes avouent bichonner, caresser, contempler leurs talons comme des bijoux. Lisa ose : « Avec une jupe courte, rien de plus sexy! »
Accros aux souliers plats
Sylvie 32 ans, démarche souple, assurée, n'aime pas les talons hauts : « Je me soucie peu de leur soit disant glamour, je recherche la commodité. La seule fois où j'en ai chaussés pour aller danser, le retour a été désastreux : escarpins à la main dans la rue, affalée sur un fauteuil, pieds gonflés dans une cuvette d'eau chaude salée, ampoules à vif, orteils douloureux, maux de tête, dos et genoux. Torture à ne plus renouveler. »
Alain, 46 ans, approuve : « Démesurés, ils évoquent en moi les prostituées savamment dénudées, racoleuses, les drag-queens et les travestis, tous semblent marcher sur des œufs. Je ne demande pas aux dames d'enfiler la burqa et des chaussures orthopédiques mais d'opter pour une juste hauteur et des toilettes seyantes. » Josie, 64 ans, renchérit : « Moi, l'exploitation de l'image de la femme me révolte. Voyez la pub pour une voiture : mannequin lascivement étendu sur le capot, jambes amplement dévoilées, provocantes, parées de maxi talons-aiguilles ; quel produit doit-on consommer ? »
Alain condamne ces abus : « Les danseuses de concours de danses de salon évoluent avec une légèreté, une aisance surprenantes dans leurs escarpins si élevés mais les clips musicaux aguicheurs dénaturent cette beauté. Les souliers plats ont la cote chez les sportives, ma compagne en raffole pour l'équilibre qu'ils procurent et si mon regard s'égare, elle neutralise mon émoi d'un coup de coude dans les côtes, me menaçant d'un torticolis voyeuriste. »
Josie confesse : « Mon choix du petit talon repose sur des raisons médicales, on m'accuse de coincée, envieuse, non ! Je fuis la lordose lombaire, la fragilité des articulations, les pieds abimés au-delà des 4cm recommandés. Je ne suis ni un séduisant flamand rose ni une grue dévergondée mais une femme bien dans…ses baskets. »
Ces opinions poussent à la réflexion sur la symbologie de l'affiche du film de Pedro Almodovar où les escarpins rouge vif exhibent un méga-talon en forme de colt. Les pro-talons seraient elles des prédatrices semant la mort sur leur passage ? Miguel Bosé en irrésistible travesti blonde incarnerait-il l'artifice et l'illusion ? Comment alors représenter les antis ?
Pierrette Fulcrand
(Juin 2011)