Hymne à l'humanité

Habitué des grands espaces, Tomoaki Suzuki ne pouvait faire autrement que d’exposer ses sculptures au CAPC, ancien entrepôt aux volumes généreux devenu depuis  musée d’art contemporain.

Photos de Marie Depecker

Ce sculpteur aime présenter ses œuvres dans des lieux de grande envergure, pour exemple, la terrasse de l’Art Institute de Chicago, contraste saisissant entre l’espace et ses réalisations.

« C’est comme si l’espace environnant était une scène pour des acteurs qui seraient mes sculptures. »

 

Formation artistique

Cette exposition suscite l’émerveillement. Les personnages sont sculptés dans du bois tendre, le tilleul, puis peint avec une peinture acrylique. Précision, minutie du détail porté à l’extrême sont au rendez-vous, à l’image des estampes japonaises. Rien d’étonnant à cela car Tomoaki Suzuki a suivi des études d’art à l’université Zokei de Tokyo. Cette formation traditionnelle consiste à produire une forme de plus en plus détaillée à partir d’un seul bloc par soustraction progressive de matière. Son maître, Churyo Sato, lui a appris que dans la sculpture «  il fallait regarder la réalité telle qu’elle est », principe devenu primordial pour lui. Arrivé à Londres en 1998, il complète ses connaissances au Goldsmiths College ou il développe sa propre expression artistique : intérêt pour la figure humaine, langage par la mode vestimentaire.

 

À la recherche du modèle idéal

Les rues de Londres sont devenues ses lieux de prédilection pour sélectionner comme modèles des individus hétéroclites, hauts en couleurs à l’apparence cool attestant du libre choix de vie et de la cohabitation des genres. Ses réalisations ont des visages volontairement sans expression, symbole d’une vie intérieure non décelable, qui met en exergue attitudes, tenues vestimentaires, singularités particulières. De taille variable, elles sont exécutées à l’échelle ¼ très exactement du modèle réel, et tiennent debout en parfait équilibre sans aucun support ce qui lui permet de les disposer directement sur le sol. Chacune lui demande de trois à quatre mois de travail. En vous promenant autour d’elles dans cette espace que sont les voûtes gigantesques du CAPC vous pouvez découvrir Kitty, Satoru, Andy, Nia, Jason, Mel, Zezi, Cedric, Kadeem et Kyrone, Marina, Yukina, Emma, Yasuyo, Adam… tous citoyens du monde au milieu de l’univers. Pour profiter de chaque détail, vous êtes obligé de vous courber, vous agenouiller ou vous asseoir. Ces « acteurs » ne vous laissent pas froid et, sans mentir, ils vous donnent le sentiment du vivre ensemble ou chacun se côtoie dans une parfaite indifférence : reflet de la société.

C’est à voir et à revoir sans modération : les enfants adorent !

Jeanine Lacoste