Iturria au musée d'Aquitaine
50 ans de dessins humoristiques nous font revivre avec émotion des moments mémorables de notre histoire.
À 65 ans, Michel Iturria est un personnage familier des Bordelais qui découvrent toujours avec plaisir, chaque nouveau dessin publié dans le journal Sud Ouest. L’exposition qui lui est consacrée du 2 mars au 3 juin 2012 au musée d’Aquitaine*, présente une rétrospective de 280 de ses œuvres, choisies parmi les 12 800 publiées à ce jour. Production considérable, résultat d’un travail assidu et d’un art original qui en fait aujourd’hui un des plus grands caricaturistes français. Iturria est resté simple malgré son succès. Personnage plein d’humanité, il ne renie pas son origine modeste de fils d’émigré espagnol, arrivé à Bordeaux en 1929.
S’inspirant des situations parodiques du quotidien qui se dégagent des personnages publics, il nous livre en quelques traits avec beaucoup d’humour, des caricatures traduisant mieux qu’un long propos, notre ressenti collectif.
L'obsession du dessin
« Je me rappelle d’un dessin au CP, avec des paysages de neige, que ma maîtresse aimait beaucoup. Elle trouvait que j’avais un joli coup de crayon et cela m’a sans doute encouragé à poursuivre dans cette voie.
Cette soif de dessiner m’a poursuivi tout au long de l’école primaire, avant d’être admis au lycée Montaigne grâce à un instituteur formidable qui a cru en mes capacités. Ma passion précoce m’a valu quelques difficultés avec le corps enseignant qui n’appréciait pas toujours que je consacre l’essentiel de mon énergie à crayonner aux dépens des matières enseignées. Je fus même exclu du cours d’histoire, mes dessins confisqués se moquant trop ouvertement de mon professeur. Cela faisait par contre la joie de mes camarades qui me traitaient en héros !
Après le bac, impossible pour moi d’envisager les Beaux Arts, car les professeurs de dessin n’apprécient pas mon approche trop personnelle. Afin de consacrer l’essentiel de mon temps à mon sujet de prédilection, j’opte pour le droit pour la seule raison que seules trois heures de présence sont obligatoires.Je suis un véritable autodidacte qui s’est formé en regardant d’autres dessins et en faisant beaucoup d’esquisses. Je suis marqué par les réalisations de Chaval, Sempé dont je m’inspire.
Je livre ma première réalisation à Sud Ouest à 16 ans et je m’y retrouve pigiste régulier après mon service militaire en 1967. La caricature politique apparaît en 1968 dans le Figaro avec Faizant. Ce n’est qu’en 1974 que notre journal s’y met également à l’occasion de la campagne présidentielle. Je suis recruté pour cette mission, comme journaliste caricaturiste. »
Une expo à thèmes
Deux étages et cinq salles sont consacrés à la présentation des œuvres de Michel Iturria. Plusieurs vidéos nous permettent d’entendre l’artiste évoquer les étapes de sa carrière, son mode de création, son approche de la caricature… Filmé à sa table de travail, on le voit réaliser un de ses dessins, à coups de crayons hachurés, d’où se dégagent rapidement les personnages qui, manifestement, l’inspirent.
L’expo s’intitule La vie comme elle va. Elle se décline par thèmes, d’abord des animaux campés par Iturria, fabuliste méconnu, avec des scènes empreintes de beaucoup de drôlerie.
Un volet est consacré aux politiques, de Mitterrand à Sarkozy. L’artiste manifeste une affection particulière pour Chirac largement épinglé, dont une scène en compagnie d’une vache folle et d’un mouton déclamant « tu ne risques rien toi mon Jacquot, tout le monde sait que tu es vacciné. »
Sont également largement exposés : l’élève Grabouillot, l’inventeur du Conomètre et le monde des Rubipèdes inspiré de la passion d’Iturria pour le rugby. Joueur jusqu’à 35 ans au poste de talonneur, il a un faible pour le personnage Achille « Tous les dimanches à 15 heures, des héros aux vilaines oreilles, écrivent en crampon et par groupe de quinze, la geste fracassante du Ruby » Dans un autre dessin bien actuel, il stigmatise des Mollah parlant des Français : « Ils prétendent que la caricature est un signe de démocratie, alors que nous voulons que le monde devienne une théocratie. »
Au-delà de la richesse des œuvres actuelles d’Iturria, mises en valeur par l’exposition qui lui est consacrée, nul doute qu’il nous réserve encore des caricatures saisissantes, nourries par la future actualité.
François Bergougnoux
* Exposition Iturria au musée d’Aquitaine du 2 mars au 3 juin 2012, du mardi au dimanche de 11h à 18h au tarif de 3 euros.