Humour, j'entends siffler le drain
Dans un contexte où la médecine est au cœur d’une actualité brûlante, voici l’histoire effervescente de l’aspi Rine et de Dolly Prane
Michel Rine, médecin généraliste et sa compagne Dolly, chirurgienne de renom fêtent leur départ à la retraite devant un parterre composé du tout médical girondin, le jovial Michel s’exprime au nom du couple.
Le vieux fusil
« Notre histoire commence à l’ETAP[1] de Pau où, sursitaire, je suis l’ordonnance du capitaine des paras Cétamol. Sa nièce, la jolie Dolly Prane, est la coqueluche du quartier ; elle exhale un parfum qui dope l’air ; sa seule présence donne du cachet à la caserne. Dolly se destine à la chirurgie, je projette d’être médecin, l’aspi[2] Rine sait déjà que l’amour est entré dans sa vie, un foudroyant Efferalgan, du paranormal. Au cinéma, c’est devant Le vieux fusil que ma carabine [3] et moi échangeons un premier baiser et des serments qui ne sont pas ceux d’Hippocrate. Le para Cétamol m’a pris en grippe, il a du mal à avaler la pilule mais les fées ralgan veillent sur nous. Alors tout s’enchaîne : mariage, ouverture de mon cabinet, entrée de Dolly dans le monde chirurgical. Une complicité sans faille va nous unir. Je peste contre ces hypocondriaques qui passent de 37°2 le matin à La fièvre du samedi soir. Ils sont friands des nouveautés de l’industrie pharmaceutique et redoutent une pénurie de médicaments. Dolly, elle, évoque l’atmosphère du bloc et son Patient anglais. L’effrayant cliquetis des bistouris et autres scalpels résonne dans ma tête, j’entends même siffler le drain. Notre culture est bousculée, Victor Urgo, Émile Zona entrent dans notre bibliothèque. C’est presque honteux que nous y introduisions Escarre Wilde et jusqu’à Voltarene, alias Voltaire. Le même phénomène habite nos loisirs : initiation au billard, évasion aux Îles de la Sonde. Certaines analyses me perturbent. Allergique aux maths, je repousse l’hématologie, les perfides calculs, les opérations n’y sont pas étrangères. »
Confidences pour confidences
« Le soir, parfois couchés en chien de fusil, ma carabine et moi écoutons Grand Corps Malade et nous nous remémorons de piquantes anecdotes. Nos rires retentissent dans la chambre quand nous nous souvenons de cet urgentiste ruant dans les brancards et terminant à la Santé ou de cet urologue prenant des vessies pour des lanternes. Quand je parle de ce cardiologue, redoutable bourreau des cœurs, Dolly me renvoie à un ophtalmo que le fisc tient à l’œil ou à ce confrère dont les dépassements d’honoraires sont tels que ses patients finissent au Tondu. Il y a bien cet anesthésiste gros dormeur et ce pharmacien qui court le cachet, mais que dire du para Cétamol reconverti dans le paramédical. Notre méfiance envers les ORL est légendaire, tant l’oto-rhino c’est rosse. Cette connivence n’épargne pas les VIP, ainsi cet ex-garde des Sceaux voulant rendre la justice aux Grands Chênes, le diocèse reprochant à Dolly d’avoir pris de haut l’évêque. Et de nous rappeler ces écolos exigeant d’entrer à Bel air ou aux Cèdres ou ce patient grivois, obsédé par Bagatelle. L’insolite nous amusait comme ce dentiste officiant cité Carriet, cet éminent spécialiste du rein installé place du Colonel Reynal, cet hématologiste ouvrant un labo rue de la porte Cailleau. Et puis, planait toujours notre mystère des agrumes, allait-on confier la direction des Orangers à une mandarine ?
Chers confrères, ces quelques traits d’humour ne visent bien entendu qu’une proportion infinitésimale de notre profession réputée pour sa compétence et son abnégation.
Dolly, et moi, quittons la maigre caravane qui traverse les déserts médicaux, on n’en fait pas une maladie. Je retrouve, enfin, ma douce carabine, celle du Vieux fusil, soyez en assurés cette carabine là ne tirera jamais sur une ambulance. »
Claude Mazhoud
[1] ETAP : école des troupes aéroportées
[2] Aspi : familièrement aspirant
[3] Carabine : étudiante en médecine