Jeudis du design
Photos Studio C. Guisset
Rencontres avec les designers Constance Guisset et Ronan Bouroullec, à Bordeaux, dans les locaux du Musée du design.
Constance Guisset, jeune femme brune au regard pétillant, vient parler à quelques étudiants de l’École d’enseignement supérieur d’art de Bordeaux et aux amis du Musée. Elle a fait des études économiques et commerciales et ne pensait pas devenir designer. Cependant, deux jours par semaine, elle aimait travailler chez un ébéniste, (son grand-père inventeur l’avait initiée au travail du bois). Elle est employée au Parlement de Tokyo puis s’oriente vers le dessin et le design. Elle crée son studio en compagnie de six jeunes designers et obtient de nombreux prix.
Univers coloré
Son premier objet, fait à l’école, est la lampe Vertigo : une ampoule entourée d’une sorte de chapeau capeline aérien. Miror en 2011, bords colorés d’un seul côté, inspiré du vieillissement des miroirs. Nubilo Sofa, une assise et 6 coussins, faisant office de dossier. Loop Glass qui éclaire les nouveaux espaces du Musée. Une commande, des poufs géants où elle utilise toute la gamme chromatique. Un bureau prévu pour La Redoute où elle intervient depuis le dessin jusqu’au suivi de la fabrication. Le plus souvent possible, la réalisation des objets se fait en France. Natures et Découvertes lui commande un diffuseur en argile, imprimé en 3D, un sac à dos imperméable, une clef USB fixée à un culbuto. Pour le confort en avion, Louis Vuitton veut un tour de cou et des lunettes de voyage : mise au point de trois cols superposés en dégradés de gris et lunettes assorties ! La cage aquarium où l’oiseau est au même niveau que le poisson est exposée au Musée. Pour La Mécanique des dessous, à Paris en 2013, elle montre corsets, robes à crinoline, beaucoup de couleurs, sous le soleil et dans l’herbe. Elle collabore avec le chorégraphe Angelin Preljocaj, s’oriente vers la scénographie. Utilise de longues bandes de papier formant un écran mobile ou des fresques obtenues en filmant des mèches de cheveux ondulant dans l’eau. Pour l’exposition des Galeries Lafayette, elle imagine deux espaces en miroirs, l’un aux meubles gris et noir, l’autre aux formes identiques mais colorés arc-en-ciel. L’effet est surprenant ! Elle est architecte d’intérieur pour un des hôtels du groupe Accor où de grandes lampes descendant du plafond jusqu’au sol occupent l’espace.
Métier pas si facile
Ronan Bouroullec a suscité une grande affluence : 300 jeunes et quelques curieux, en ce soir du 6 décembre 2016, sont réunis dans la grande salle du Musée du design. Il travaille en compagnie de son jeune frère, Erwan ; ils ont une renommée internationale.
. Une exposition de leurs réalisations a déjà eu lieu à Bordeaux. Il explique aux étudiants les aléas de ce métier :
« J’ai commencé seul en 1998, j’avais 18 ans. J’ai travaillé avant internet, le projet était envoyé par la poste, on attendait la réponse, alors qu’aujourd’hui c’est immédiat. Il a fallu des successions de collaboration et 15 ans de travail avant d’arriver à en vivre ! Un objet que l’on a créé est vendu en magasin 100 euros, le prix de revient est 50 euros et le designer n’en perçoit que 3%, soit 1,5 euros. Les jeunes doivent se battre pour vivre, construire avec les éditeurs sur le long terme. Par exemple, pour dessiner le téléviseur commandé par Samsung, on a d’abord dit non car les japonais et coréens ont 200 designers de télévision. Comme ils sont venus à Paris, bricoler dans notre atelier, le grand chef de Samsung a dit oui et nous avons accepté. Construire un objet, c’est de l’architecture, penser au confort, fabriquer en Europe, oui mais le prix est élevé. Penser aussi à la distribution, à l’emballage, au transport, tout un monde complexe. Le métier de designer n’est pas tellement compris en France. À Miami ou Détroit, nous avons réalisé fauteuils, animaux, espaces de plaisirs ludiques. Nos cloisons textiles réorganisent l’espace, la maison flottante a été créée en 2006. Nos canapés Ploum sont distribués par la ligne Roset ou Vitra pour le canapé alcôve. Je n’aime pas avoir chez moi les objets que j’ai créés. Il est important de ne pas répéter ce qui existe déjà. »
Les jeudis du design, organisés par les amis du musée, font connaitre cet art, pas si nouveau, car il est apparu vers 1950.
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Pierrette Guillot
www.bouroullec.com