L'île aux cygnes

Petit bout de terre plongé dans l’océan indien, l’île Maurice offre aux visiteurs une image de rêve avec son lagon aux eaux turquoises, ses plages bordées de filaos et l’accueil chaleureux des mauriciens.

Il fait bon y vivre à découvert mais aventurez-vous plus à l’intérieur, quelques surprises vous attendent.

 

Un peu d’histoire

L’île est d’abord abordée par les commerçants arabes puis vers le XVIIe siècle par des navigateurs portugais dont l’un donnera son nom à l’archipel des Mascareignes, comprenant Maurice, Rodrigues et la Réunion ; Maurice est baptisée L’île aux cygnes à cause de l’étrange oiseau nommé le dodo qui rappelle le cygne. Mais ces aventuriers l’ont chassé pour en faire leur festin et cet oiseau a disparu ; il ne subsiste que l’emblème national. Ensuite, les hollandais y hissent leur drapeau et la nomment Mauritius, ils quitteront l’île vers 1710, en laissant un troupeau de cerfs qu’on chasse encore, la canne à sucre et les chouchous. Un français François Mahé de La Bourdonnais, nommé gouverneur des iles par Louis XV, y débarque en 1735 dans un port qu’il fera aménager et qui deviendra Port-Louis. Des forêts sont exploitées, la première sucrerie s’installe. Cette île devient l’une des plus prospères colonies du roi. Lui succède Pierre Poivre, nommé intendant, nom prédestiné aux épices ; il y plante des muscadiers et girofliers. Il crée le plus grand jardin tropical du monde, le jardin des Pamplemousses. Point stratégique, lors des guerres navales entre La France et l’Angleterre, Maurice devient anglaise, ce qui lui assure une grande importance commerciale ; on y plante la canne à sucre en faisant venir des indiens qui la cultivent pour un salaire de misère. Suite à de multiples péripéties de la vie politique, l’île accède à l’indépendance en 1992 avec à sa tête, le fils du docteur Seewoosagur Ramgoolam qui connut un vif succès populaire. Actuellement, de nouvelles élections ont renversé le régime

 

La royal road

L’île est petite, mais que de diversité. Suivons la royal road qui longe la côte au nord, la circulation y est intense mais attention la conduite est à gauche et les mauriciens appuient volontiers sur le champignon. Pour les non habitués, mieux vaut utiliser taxis ou bus, ils vous conduisent avec le sourire comme trente ans en arrière : votre ticket est vérifié et… poinçonné ! Merveilleuse, la pointe aux piments, bordée de blocs rocheux volcaniques puis Trou-aux-biches, le lieu le plus fréquenté par les touristes en raison de sa plage, son lagon émeraude et les campements résidentiels, elle se poursuit  plus au nord par la plage de Mont Choisy, plus large, bordée de filaos, ces grands arbres aux longs filaments, utilisé par les mauriciens comme sapin de Noël ; le dimanche, ils déboulent en famille pour le pique-nique avec musique, danse : bonne ambiance assurée. Trois kilomètres après, Grand Baie et son anse où sont parqués de superbes catamarans prêts à partir pour les îlots, véritable fourmilière humaine avec ses restaurants, ses cafés, boutiques et l’immense centre commercial, la croisette. Dommage que des constructions hétéroclites viennent dénaturer le paysage en périphérie. En continuant plus au nord après Cap Malheureux (appelé ainsi en raison de passage dangereux pour les navires), le paysage change avec des plages plus sauvages comme Grand Gaube, moins accessibles mais la mer offre d’exceptionnelles couleurs des dégradés de vert turquoise. À l’intérieur des terres, la ville de Goodlands grouille de monde, surtout les jours de marchés. Une curiosité : vous trouverez la plus grande entreprise de maquettes de bateaux. En poursuivant votre périple, rendez-vous vers Roches-Noires, au Parc national de Bras d’Eau. Enfilez une bonne paire de chaussures pour suivre un sentier caillouteux dans cette réserve naturelle, plantée d’eucalyptus, araucarias, filaos. Peut-être y observerez-vous certains oiseaux rares comme le coq des bois, un gobe-mouches aux ailes rouges. Plus au sud, de superbes étendues de sable blanc, avec des hôtels et villas de luxe, au prix vertigineux. La ville de Flacq, connue pour son activité textile, puis le célèbre village de Trou d’eau, point de départ pour l’île aux cerfs. On s’y rend en bateau, à travers la mangrove. C’est l’excursion la plus réputée de l’île à cause de son lagon mais trop de personnes y débarquent ; on se croirait  sur la côte d’Azur au mois d’aout.

 

Célébrités

Pour la balade de la superbe vallée de Ferney, site préservé, munissez-vous de crème anti-moustiques. Vous découvrirez des essences indigènes rares. Le Morne Brabant, péninsule paradisiaque classée au patrimoine de l’Unesco, est entouré d’une petite plage. Malheureusement, des hôtels de luxe ont gagné un peu plus d’espace et proposent pour y entrer un repas hors de prix ; véritable scandale. Puis une petite route parallèle à la côte serpente et grimpe vers les terres de de Chamarel aux sept couleurs : un mystère de la nature. Vous pouvez visiter la rhumerie, au milieu des champs de canne à sucre, la plus grande richesse de l’île. Elle est partout, fournit sucre, rhum, électricité et chauffage. Sur la route, un petit plateau, La plaine Champagne, ses forêts d’essences comme le colophane, le camphrier, le tatarnaka… lieu de refuge d’oiseaux rares, la crécerelle, « mangeur de poules » et attention aux macaques. Puis vers 700 mètres d’altitude : le Grand Bassin ou lac du Gange, une vaste étendue d’eau qui remplit le cratère d’un ancien volcan avec, sur ses rives, l’immense statue de la déesse du Gange, Shiva, et plusieurs temples hindous très colorés ; lieu de ferveur où est célébrée la plus grande fête de l’île le Maha Shivaratree. Quatre jours pendant lesquels les pèlerins se baignent dans l’eau sacrée.

 

À vos papilles

Ce petit bout de terre mélange les couleurs de l’Europe, l’Asie et de l’Afrique. Port-Louis, la capitale grouille de monde avec son marché où les petits vendeurs de samossas, de farata, vous accueillent à l’entrée. Et à l’intérieur c’est un festival de fruits et légumes multicolores : chouchous, manioc, patate douce, bringelle, pipengaille, fruit à pain, pomme d’amour (tomate), brèdes (toutes salades), palmier, piments et épices. Vos papilles sont émoustillées, vous pouvez déguster toutes les cuisines du monde depuis l’entrecôte marchand de vin, au cari de poisson ou rougail saucisse. Les sauces sont mijotées des heures, avec gingembre et curry. Vous ne pourrez résister au vindaye de poisson, plat indien préparé avec moutarde, oignons, vinaigre. Le cari (viande, volaille ou poisson) est présent à toutes les tables et bon marché. Mais que dire des poissons tropicaux dont les couleurs font rêver les plongeurs et ravissent le palais ; marlin, empereur, capitaine, thon, rouget, vivaneau, bécune et toutes les vieilles (rouge, voleuse…) À consommer grillés de préférence ainsi que les crevettes géantes, les camerons. Enfin une célébrité de la table, l’ourite (poulpe)

 

Les Mauriciens

Une marée humaine se concentre dans les bourgs, sur les côtes dans deux grandes villes : Port-Louis, son port, ses buildings ultramodernes, peu esthétiques et le centre commercial Caudan où un pull vaut le salaire d’un ouvrier mauricien et Curepipe au centre de l’île (jumelée  avec La Teste, en Gironde). La ville est perchée à cinq cent mètres d’altitude où se sont installés de grandes entreprises et magasins d’usine. Il y pleut tous les jours. 68 % de la population est indienne, possède les terres et détient le pouvoir politique. Les musulmans travaillent dans le petit commerce ; les franco mauriciens, héritiers des premiers colons possèdent des sucreries et plantations tandis que les métis et créoles restent un peu les laissés pour compte. Ici, toutes les croyances et religions cohabitent dans la tolérance : mosquées, temples, églises sont construits côte à côte.

Eau turquoise, chaude, végétation luxuriante, tel est le décor mais ce paradis est pollué par les déchets industriels et domestiques déversés dans la nature, parfois dans la mer. Les constructions se sont agglutinées de manière anarchique. De ce fait, la flore et la faune sont menacées. Un certain je m’enfoutisme s’affiche chez les Mauriciens. Heureusement, la jeune génération a su donner le signal d’alarme pour préserver son île, l’État traque les pollueurs passibles de fortes amendes. Économie et écologie, pas toujours facile à concilier, face à la croissance folle des touristes.

Mais quel délicieux plaisir de venir y faire un brake et pour les amateurs, chausser des palmes pour découvrir les habitants inattendus des fonds coralliens

 

Élisabeth Gillon