La pionnière des avocates

Jeanne Chauvin, première avocate française est aussi une féministe.

par Arlette Petit

 

En France, à une époque où les femmes sont souvent destinées à être épouse ou mère, Jeanne Chauvin est obligée d’avoir recours à la presse, pour pouvoir devenir avocate et avoir le droit de plaider.

Tous les ans, le 8 mars, jour des droits de la femme, grâce à l'initiative de l’Allemande Clara Zetkin en 1910, nous célébrons le courage, la volonté et la détermination de toutes les militantes qui ont œuvré pour transformer les mentalités et faire changer le regard des hommes vis-à-vis des femmes. Elles ont agi pour plus de droit au travail et plus d’égalité. Combat que Jeanne Chauvin mènera tout au long de sa vie.

 

Pas de Bac pour les filles

Jeanne Chauvin nait en 1862 à Jargeau, département du Loiret. Son père est notaire et elle n’a que seize ans quand ce dernier décède. Toute son enfance se passe dans une atmosphère très chaleureuse où l’entente et l’affection dominent et qu’elle partage avec son frère Émile. Très bonne élève dans le primaire et brillante dans ses études, elle est obligée d’avoir recours à l’aide de sa mère pour préparer son baccalauréat. Les collèges de jeunes filles de cette fin de siècle ne forment pas à cet examen. Elle le réussit, en Lettres et en Sciences. Puis elle obtient deux licences en droit et en philosophie. Beaucoup de détermination, de caractère et de volonté lui ont été nécessaires pour obtenir tous ces diplômes. Toutes ces qualités remontent certainement à l’ambiance familiale dont elle a bénéficié durant ses jeunes années. En 1890, elle prépare une thèse sur les professions accessibles aux femmes. Selon elle, ce serait sous l’influence de la Bible et du catholicisme, qu’a été introduite et consolidée l’inégalité juridique entre les hommes et les femmes. Elle revendique pour la femme l’égalité tant dans son éducation, que dans l’accession à toutes les professions, aussi bien privées que publiques.

 

Clés pour être libre

En 1892, elle est la première femme à être docteur en droit. En 1897, elle ne peut pas prêter serment pour être avocate car la profession n’est accessible qu’aux hommes. Pour faire changer la loi, elle décide d’entrer en campagne grâce à la presse. Son frère Émile, avocat et député, proche de Raymond Poincaré et de Paul Deschanel, lui sera d’un grand secours, grâce à ses relations. En 1900, une loi autorise les femmes à exercer la profession d’avocate et en 1901, elle sera encore la première femme à pouvoir plaider. Son frère l’aidera aussi pour la rédaction de ses premières plaidoiries, le 21 janvier 1902 sur l’accident ferroviaire de Choisy-le-Roi et le 17 février 1902 sur la contrefaçon des corsets.

Elle enseigne dans plusieurs lycées parisiens pour jeunes filles et les incite à poursuivre leurs études. Elle sait, par sa propre expérience, que le savoir et le travail sont les clés pour être libre dans une société en pleine mutation économique. Jeanne Chauvin préfère les conférences à la plaidoirie pour avoir l’occasion de convaincre les jeunes filles de se diriger vers les professions juridiques.

Le 19 janvier1926, elle reçoit la médaille de Chevalier de la Légion d’honneur par Raymond Poincaré, Président de la République.

 

Pionnière du barreau en France, Jeanne Chauvin est longtemps restée méconnue du grand public malgré l’importance de son parcours et de son combat pour l’émancipation des femmes. Elle décède en septembre 1926, à Provins. Elle fait partie des nombreuses femmes militantes qui ont œuvré pour l’égalité des sexes et la liberté.