La soif d'apprendre
Vous êtes 4 000 environ à fréquenter l' Université du temps libre de Bordeaux-CUB et à goûter le plaisir d'apprendre.
Quatre-vingt seize sections, clubs ou ateliers, des stages, des voyages sans compter les conférences de l'Athénée municipal. Des innovations chaque année, du Qi gong à la calligraphie, en passant par l'aménagement du territoire et l'histoire des environnements. Saupoudrez d'un peu de russe ou de grec ancien, cultivez votre jardin, savourez en gastronome et devenez philosophe. Tout vous est permis !
La Genèse
C'est des deux côtés de la frontière franco-allemande que fut décidé, en 1899, en pleine affaire Dreyfus, de fonder l'Université populaire. L'Europe est menacée par la montée d'un populisme dangereux pour la démocratie. Les intellectuels et la classe ouvrière doivent se rencontrer et combattre, grâce à l'éducation, les délires et les dangers de l'antisémitisme et de l'intolérance. Marc Sangnier a déjà créé Le sillon en 1895, un mouvement social d'inspiration chrétienne. Il se lance dans l'aventure ainsi que Bergson, Alain et Péguy. Mais le Pape en 1910 blâme le « démocratisme » du Sillon ; la guerre de 1914 sonne le glas des illusions.
Actuellement, l'Association des universités populaires de France (AUPF) rassemble des universités interâge, du temps libre ou populaires et annonce plus de 100 000 participants dans quelque soixante-dix structures. « Ce sont des lieux où des adultes se rencontrent pour apprendre sans forcément viser un diplôme… En quinze ans, depuis que nous avons relancé notre réseau, le nombre d'associations et de participants a explosé » explique Denis Rambaud, président de l'AUPF.
Partout, les universités alternatives se développent. Le profil des participants ne correspond pas au lieu commun du retraité cherchant à occuper (tuer ?) son temps libre. À l'Université populaire du Rhin, l'étudiant moyen est une femme active, âgée de 35 ans à 45 ans, avec des enfants. À l'Institut pour le développement, l'éducation et les échanges de Belfort, les retraités forment 23% des adhérents. Dans le département du Haut-Rhin, à peine 15% !
Universités des 3A
En 1970, des femmes américaines, lasses de compter pour du beurre, affirment haut et fort leurs opinions et créent à New-York le mouvement des Panthères grises. Les mamies font de la résistance.
À Toulouse, au même moment, Pierre Vellas est horrifié par la situation des retraités. Les retraites, à cette époque, sont souvent misérables ; les maisons spécialisées sont peu nombreuses et mal équipées pour les besoins élémentaires. Pierre Vellas cite un lieu de retraite comportant un seul cabinet pour trente pensionnaires… Inutile de parler d'accompagnement affectif ou culturel. L'Université du troisième âge est alors créée en se greffant sur l'Université de Toulouse. Elle a pour but de contribuer à « l'élévation des niveaux de vie des personnes âgées », leur niveau de santé mais aussi de permettre l'accès au patrimoine culturel, à des activités nouvelles au service de la société, à des travaux d'études sur l'amélioration des conditions de vie. Diffusion d'informations, travaux en législation, en économie, séminaires sont prévus. Une école de citoyenneté, sociale et culturelle qui refuse les discriminations, les exclusions, les frontières. Ouverte à tous ceux qui, passionnément, souhaitent comprendre, se former, agir. Socrate ne disait-il pas : "cesser d'apprendre, c'est commencer à vieillir". Henri Choussat, professeur de médecine à Bordeaux, déclarait : « Je ne sais pas ce qu'est une personne âgée. Un enfant de vingt-quatre mois est âgé de deux ans ». Ainsi naît l'Université du troisième âge et du temps libre d'Aquitaine en 1976. Vous avez remarqué que, désormais, vous êtes des seniors : un petit air de noblesse, loin d'être désagréable. Alors, l'Université a abandonné le 3A…
Partout, le foisonnement des initiatives, parfois anarchique, préserve le mouvement de la sclérose. L'imagination est partout au pouvoir. Le désir, le besoin de connaître ne s'éteint pas à un moment de l'existence. Il s'inscrit dans le devenir humain en constante évolution.
Hélène Postel
(Avril 2005)