Libres?

De guauche à droite Anne Chaput, Michaël élève journaliste, Rodolphe Urbs dessinateur et Thierry Magnolt.( Photos P. Guillot )

La liberté d’expression dans la presse évoquée par un dessinateur et deux journalistes.

 

Dans le salon de l’Institut culturel Bernard Magrez, une centaine de personnes assiste à la conférence. Rodolphe Urbs, dessinateur et Thierry Magnol du groupe Sud Ouest, Anne Chaput journaliste freelance répondent aux questions de Mickaël, étudiant à l’École de journalisme de Bordeaux. La parole est libre, pas de vidéo, ni d’enregistrement audio.

 

— Mickaël : Êtes-vous vraiment libres ?

— Anne Chaput : Je suis pigiste, un état précaire. Je travaille pour Rue 89 où j’ai une certaine indépendance. Je suis aussi animatrice de radio à FIP depuis 12 ans. C’est une radio presque confidentielle, 5 % d’écoute. Je suis donc libre d’émettre les choix culturels. Pour pouvoir vivre, je fais « des ménages » en langage du métier. Je prête ma plume pour des publications de l’Office du Tourisme, du Conseil Général : des commandes et enquêtes, donc très encadrées.

— Thierry Magnol : Les entreprises de presse sont de plus en plus aux mains de propriétaires non journalistes. Il y a eu des aides données à la presse après la guerre. Actuellement tous les journaux ont besoin de pub pour subsister.

— Rodolphe Urbs : je dessine ce que je veux. Parfois on me dit : « le dessin serait mieux comme cela », je refuse de changer. J’ai été contacté pour une conférence, dans le secteur privé. Il était prévu de projeter mes illustrations. L’opérateur, préposé à la machine, les a toutes refusées. Alors que, pendant le Festival du film d’histoire, à Pessac, chaque année, elles sont appréciées du public.

 

— Mickaël : Comment ne pas se laisser enfermer ? Quelle est votre éthique ? Rue 89, Médiapart, Le Canard enchainé sont les journaux les plus libres.

— Anne Chaput : Lors de conférences de presse, devant Alain Juppé, il n’y a pas de questions qui fâchent, les journalistes sont trop disciplinés. Certaines séries, à la télévision, peuvent raconter librement les coulisses de la politique. Ce serait une possible reconversion pour les journalistes !

— Rodolphe Urbs : Ceux qui disent, je suis censuré, c’est leur faute, leurs dessins sont nuls. J’ai reçu par courrier une menace de mort de Daesh, avec le nom et l’adresse de l’expéditeur. Je ne l’ai pas pris au sérieux. Quand l’avion a disparu au-dessus du Pacifique et n’a jamais été retrouvé, j’ai fait beaucoup de dessins. J’ai reçu un mot : « Vous avez un crayon cassé à la place du cœur ! » J’ai fait plusieurs dessins sur la maladie, la mort, c’est difficile ! Ils n’ont pas été publiés.

 

— Mickaël : Quelle évolution voyez-vous avec Internet et les réseaux sociaux ?

— Thierry  Magnol : Le journal Sud Ouest en ligne reçoit des commentaires, on en sélectionne un sur cinq et je réponds, c’est mon rôle de médiateur entre le journal et les lecteurs. La loi de la liberté de la presse dit : on ne doit pas publier, imprimer ni diffuser des propos diffamatoires, ni sur l’appartenance sexuelle, ni sur l’honneur du Président et jamais le nom d’un mineur. Cette loi s’applique à Internet.

— Anne Chaput : J’ai un compte Twitter que je délaisse de plus en plus. Car une photo, comme celle d’Alain Juppé, en train de boire dans un café, fait le buzz, alors qu’un bon article fouillé ne suscite aucun commentaire.

— Rodolphe Urbs : Je suis sur Facebook, c’est un bel espace de liberté.

 

— Mickaël : Peut-on parler de liberté sur Internet ?

— Anne Chaput : Je donne 10 euros chaque mois à Médiapart, ce sont mes héros. On doit miser sur les sites de journaux qui ont des abonnés. Pour Rue 89, je passe 15 jours à un mois sur un article d’investigation. Je suis payée 100 euros, ce qui correspond au prix d’une journée de travail. Dans L’Express, il est paru un article titré Alain Juppé est le meilleur maire de France. Nous avons fouillé et trouvé que ces infos provenaient de la com de la mairie. Et il y a des tas de révélations qu’on ne fait pas par manque de temps.

 

La parole est donnée au public :

Comment le secret sur la fille de François Mitterrand a-t-il été gardé ?

— Thierry Magnol : Certains journalistes savaient, mais n’ont pas diffusé.

— Et l’affaire Cahuzac ?

— Les journalistes attendent les conclusions de la justice.

Anne Chaput donne le mot de la fin: Rue 89 cherche des mécènes pour avoir les moyens de faire des recherches et ainsi apprendre quelque chose d’intéressant aux lecteurs.

 

PGuillot