Léopold Sédar Senghor
Une ville donne le nom d’un homme de grande culture à sa médiathèque.
Le vendredi 10 novembre 2017, le maire de Saint-Médard-en-Jalles, Jacques Mangon et le consul général du Sénégal à
Bordeaux, Abdourahmane Koita, ont donné le nom de Léopold Sédar Senghor à la médiathèque de la ville, honorant ainsi la mémoire de cet acteur majeur de la lutte contre toutes les
discriminations.
Pendant la guerre
Peu nombreux sont les habitants qui savaient qu’il avait été prisonnier* pendant la seconde guerre mondiale dans le camp militaire de Caupian, transformé en frontstalag par les Allemands. C’est en 1845 qu’un premier camp militaire est installé au tour du Moulin de Caupian, sur une vaste étendue de landes et de bois peu peuplée. Il sera développé au gré des guerres de 1870 et les deux conflits mondiaux. Les premières tentes et les baraquements sont remplacés par des bâtiments en dur dont certains abritent aujourd’hui des services communaux. Jeune agrégé d’histoire, Sanghor est mobilisé en 1939 et fait prisonnier en juin 1940. Il est transféré à Saint-Médard le 5 novembre 1941. Il fait partie d’un groupe de prisonniers venant du camp de Poitiers que les Allemands ont fermé. Il quitte Saint-Médard le 14 février 1942, au moment de sa libération. Il reprend son poste au lycée Marcellin Berthelot de Saint-Maur-des-Fossés
Il a écrit à propos de son séjour saint-médardais : « La nourriture est particulièrement insuffisante et peu variée. Nous avons un pain pour cinq et parfois pour six. En général, nous avons de la soupe matin et soir, mais quelle soupe ! Une poignée de riz dans un liquide plus ou moins coloré et salé […] Dans les kommandos […] les hommes travaillent de 8 h 30 à 15 heures […] et il n’est pas question de manger à la table du paysan comme à Poitiers. D’ailleurs les civils leur témoignent en général, dans la Gironde, une parfaite indifférence… »
Poète et homme d’état
Né à Joal au Sénégal, le 9 octobre 1906, dans une famille catholique aisée, Léopold Sédar Senghor poursuit des études supérieures en France à partir de 1928. Il entre à l’École normale supérieure où il côtoie Aimé Césaire, avec qui il inventera le concept de « négritude » et George Pompidou qui deviendra son « plus-que-frère », comme il se plaît à le nommer. À sa sortie il est naturalisé Français.
Après des années d’enseignement du latin et du grec de 1935 à 1944 au lycée de Tours, puis à Saint-Maur-des-Fossés, il est nommé professeur à l’École nationale de la France d’Outre-mer en 1945.
Malgré ses nombreuses charges il ne cesse d’écrire. C’est le seul écrivain du XXe siècle dont l’œuvre court sur la plus de 60 ans.
Son entrée à l'Académie Française en 1984 marque la reconnaissance de son œuvre littéraire qui fait le lien entre culture africaine et langue française.
Député du Sénégal sous domination française, ministre du général De Gaulle, il devient le premier président de son pays à son indépendance de 1960 à 1980.
Son action politique à la tête du Sénégal est perçue d'un œil bienveillant par la France : il est l'artisan de la stabilité politique et économique du pays.
Sa décision de se retirer volontairement du pouvoir en 1980 a de surcroît contribué à construire sa légende de chef d'état africain atypique, qui a su imposer aussi bien à son pays qu'à la communauté littéraire française ses idées originales et novatrices.
Roger Peuron
Cher Frère blanc
Quand je suis né, j’étais noir,
Quand j’ai grandi, j’étais noir,
Quand je suis au soleil, je suis noir,
Quand je suis malade, je suis noir,
Quand je mourrai je serai noir.
Tandis que toi homme blanc,
Quand tu es né, tu étais rose,
Quand tu as grandi, tu étais blanc,
Quand tu vas au soleil, tu es rouge,
Quand tu as froid, tu es bleu,
Quand tu as peur, tu es vert,
Quand tu es malade, tu es jaune,
Quand tu mourras, tu seras gris.
Alors de nous deux,
Qui l’homme de couleur ?
Léopold Sédar Senghor
*Ce fait historique a été établi par Rafael Scheck, professeur au Colby College (Maine USA), qui a découvert des textes inédits de Léopold Sédar Sanghor en 2010.
Source : Exposition Senghor, l’Africain universel, présentée par Mémoires et Partages à la médiathèque du 7 au 25 novembre 2017.