Où sont les hommes?

Au plus fort de la mode disco, Patrick Juvet interrogeait de sa voie ambiguë : « Où sont les femmes ? »

L'atelier de journalisme : de redoutables amazones ! (A. Blanchet)
L'atelier de journalisme : de redoutables amazones ! (A. Blanchet)

Aujourd’hui, les quatre membres masculins de l’atelier de journalisme de l’Oareil posent la question inverse. Devant leur effrayante infériorité numérique (14 à 4), ils brûlent du désir de voir enfin quelques congénères renforcer le maigre effectif mâle de LObservatoire.

 

Méfiance ou désintérêt

Une consultation des plus sérieuses effectuée auprès d’un échantillonnage représentatif de la gent masculine permit de mesurer l’inquiétude voire l’angoisse empêchant des candidats potentiels de franchir le seuil du journal.

Ainsi, le courageux quarteron contacta de jeunes étudiants disposés à s’engager dans la voie journalistique, ils nous confièrent leur crainte de rencontrer de redoutables couguars, ces prédatrices qui en voudraient à leur vertu, ce qui mit un terme à leur juvénile ambition.

D’autres approches échouèrent, certaines mains vertes préféraient se plonger dans la contemplation quasi mystique de leurs cucurbitacées, d’autres subjugués par les cascades de l’inspecteur Derrick, poursuivaient un marathon télévisuel en s’adonnant sans vergogne aux chiffres et aux lettres, caressant entre deux voyelles et deux consonnes, le chat pelotonné sur leurs genoux.

Celui-là avait renoncé depuis longtemps à fréquenter la Bibliothèque municipale pour se consacrer à une fiévreuse lecture de l’Équipe et de France Football.

Un autre se débattait désespérément depuis trois jours dans son garage dans une tentative de montage d’un kit Ikéa.

Et que dire de l’homme qui, au seul mot prononcé « parité », se barricada sur-le-champ dans son abri de jardin. Il fallut toute la persuasion du GIGN pour en faire sortir le malheureux.

Des estaminets furent visités afin d’aborder leurs habitués, ceux qui refont le monde au coin du comptoir, on foula le sol des boulodromes à la recherche des lanceurs de cochonnet, rien n’y fit !

 

Fuite des cerveaux

Alors, nos mousquetaires entreprirent de sonder des milieux plus intellectuels, quelle ne fut pas leur déception ! Pour l’un, la seule vue d’une plantureuse blonde évoquait les Walkyries, ces farouches divinités de la mythologie germanique. Cet autre avoua détourner ses yeux des décolletés profonds craignant d’y découvrir le sein brûlé d’une Amazone ne tolérant pas la présence des hommes.

Celui-là, intrigué par certaines crinières croyait reconnaître la chevelure de serpents, les ailes d’or des trois sœurs Gorgones ou l’implacable Méduse dont le regard pétrifiait mortellement qui osait la fixer.

Son ami, féru de mythologie grecque, frémissait à la seule évocation des Harpies, ravisseuses d’enfants et d’âmes. Les furies romaines ou les trois sœurs Érinyes dont Mégère (que Shakespeare su apprivoiser) tourmentant leurs victimes et les frappant de folie, semaient la terreur dans l’esprit de ces pauvres hommes. Impossible de ne pas citer celui qui redoutait en chaque femme la virago aux manières rudes et autoritaires, lui qui fuyait son dragon d’épouse.

Impressionnés par ce lamentable état psychique, nos journalistes louèrent dans de vibrants plaidoyers, le charme féminin et le talent de leurs consœurs.

Mais, bien informés, quelques candidats n’ignoraient pas que 40 % de l’effectif de l’atelier était constitué d’anciennes enseignantes, alors renaissait chez eux, cancres repentis, allergiques à l’autorité professorale, le syndrome de l’interrogation écrite, du ramassage des copies et des humiliantes heures de colle.

Nos quatre héros tentèrent bien de lever les doutes, en arguant du fait que si les hommes contactés n’étaient pas tous des machistes, il était aussi évident que les femmes du cercle journalistique n’étaient pas pour autant de sectaires féministes.

Et puis, ils assénèrent leur argument massue, la vie associative et caritative n’était-elle pas animée à une écrasante majorité par des femmes dont le bénévolat témoignait de leur générosité et de leur esprit solidaire ?

Auront-ils été convaincants, nos avocats-journalistes ?

La rentrée d’octobre apportera une réponse à la lancinante question, où sont les hommes ?

Claude Mazhoud

(Juin 2011)

Lecture fiévreuse (A. Blanchet)
Lecture fiévreuse (A. Blanchet)