Plus blanc que blanc

La couleur blanche symbolise si bien la pureté ! Un homme l’a vénérée jusqu’à la déraison.

 

Laurent Blanc, idole de Pierre Blanc (D.R.)
Laurent Blanc, idole de Pierre Blanc (D.R.)

 

Toute sa vie durant, Pierre Blanc sera obsédé par son patronyme au point de vouer son existence au culte du blanc.

Pierre n’est plus de ce monde mais LObservatoire a rencontré son frère jumeau Paul, il témoigne.

 

Etrange jeunesse

—  L’Observatoire : Comment expliquer ce curieux attrait de votre frère pour le blanc ?

—  Paul : Déjà, Pierre et moi sommes nés au Blanc-Mesnil, nos parents ont marqué ce jour-là d’une pierre blanche. Notre père vague cousin de Michel Blanc gérait une blanchisserie, saigné à blanc par le fisc il abandonna cette activité. Il fit dans sa jeunesse un séjour africain chez les Pères blancs et confiait en souriant : « En solfège, nos amis africains n’admettaient pas qu’une blanche vaille deux noires ».

Très vite Paul fut envahi par la folie du blanc, à sa puérile fascination pour Blanche-Neige, il ajouta l’exigence de menus composés exclusivement de viandes blanches et de blanc de poulet. À la blancheur du lait, il préféra bientôt des boissons alcoolisées, petit blanc, rhum blanc.

Puis il considéra que les politiques, c’était blanc bonnet et bonnet blanc et se retrancha dans le vote blanc.

Pire, il se découvrit une passion immodérée pour Blanche de Castille, les emblèmes royalistes, fleur de lys, cocarde blanche, drapeau blanc ornaient les murs de sa chambre.

 

Virage fatal

— Peut-on évoquer la descente aux enfers de Pierre ?

J’y assistais impuissant. Il se mit à fréquenter des endroits douteux, notamment Pigalle et sa place Blanche. Mon père, désormais blanchi sous le harnais, m’apprit que Pierre trempait dans des affaires de traite des blanches et de trafic de poudre blanche, l’argent était blanchi à l’étranger.

Moi, je n’étais pas blanc comme neige mais je redoutais les magistrats à la blanche hermine.

— Pierre était-il dangereux ?

— Il était connu comme le loup blanc dans le milieu où il jouait parfois de l’arme blanche.

Nous passions des nuits blanches à l’attendre, quand il rentrait, je le raisonnais d’une voix blanche, il pâlissait de colère et me traitait de blanc-bec, ça le chauffait à blanc.

Alors ma démarche faisait chou blanc.

Ses centres d’intérêt n’avaient qu’un dénominateur commun, le blanc ainsi l’actualité de la Maison-Blanche, le Vatican à l’heure de la fumée blanche, les sports d’équipe grâce à Laurent Blanc et Serge Blanco. Je reprochais souvent à mon père de laisser carte blanche à Pierre qui abusait de ce chèque en blanc.

Mon grain de sel semblait malvenu, je n’étais pas le chevalier blanc.

 

Le drame

—  Comment en est-il arrivé à la solution extrême ?

Nous pensions avoir mangé notre pain blanc, de but en blanc Pierre épousa une sorte d’oie blanche. Mariage blanc ? On le disait, il semblait pourtant impossible que Pierre soit roulé dans la farine, de toute évidence on lui cassait du sucre sur le dos.

Et ce fut le coup de folie, Pierre fit une coupe blanche dans les arbres du parc voisin et se mit à tirer - heureusement à blanc - sur tout ce qui bougeait. Les étourneaux, affolés, volaient dans tous les sens, un riverain hissa même le drapeau blanc.

Dans de pareils moments, la blanche colombe n’a nulle envie de délivrer son message de paix.

Pierre décida de partir et coucha ses dernières volontés sur du papier blanc, il hésitait entre se jeter du haut de la falaise de Blanc-Nez dans le Boulonnais ou bien disparaître dans le Mont-Blanc. Nul ne lui donna son blanc-seing, il choisit l’Océan Arctique et la mer Blanche. Là sur la banquise, il se tira une balle en plein cœur, elle n’était pas à blanc.

On découvrit son corps sous un épais manteau de neige, un ours blanc couché près de lui.

Je pensai au Croc-Blanc de Jack London qui berçait son enfance.

A-t-il atteint le paradis blanc cher à Michel Berger ? A-t-il vu la fameuse lumière blanche ? Sans doute a-t-il retrouvé la blancheur de l’âme.

Un pâle soleil blanchissait l’horizon quand pour accompagner Pierre dans son ultime voyage, on attela une dernière fois le petit cheval blanc.  « Tous derrière, tous derrière, et lui devant ».

 

Claude Mazhoud

 

 

Ultime rivage, dernier compagnon (D.R.)
Ultime rivage, dernier compagnon (D.R.)