Sauver la Terre ou sauver l'humanité
Les campagnes médiatiques pour sauver la planète se succèdent à bon train mais ne vont-elles pas à l'encontre du but recherché ?
Les hommes se sont attribué une exceptionnalité d’ordre divin par laquelle ils pensent pouvoir dominer tout ce qui les entoure et déterminer à leur guise l’avenir de la planète. Pourtant, depuis trois milliards et demi d’années, la Terre a connu des phénomènes bien plus redoutables que ceux que l’espèce humaine, malgré sa malice, pourrait lui causer.
Au cours des 500 derniers millions d’années, la planète a subi cinq extinctions de masse ; 95 % des espèces marines et 70 % des vertébrés terrestres ont disparu, mais la vie a toujours repris ses droits. Aujourd’hui, nous vivons la sixième extinction de masse et 80 % des animaux terrestres pourraient disparaître d’ici à la fin du siècle.
Malgré de violentes attaques, la forêt renait vite. Paisible et attirante, la nature nous invite à la réflexion et au repos. (D.R.)
Une course à la destruction.
En fait, à la place du progrès souhaité, la guerre et la misère tiennent toujours une place prédominante sur presque tous les continents et l’augmentation continue des inégalités ne favorise pas l’apaisement des tensions entre les êtres et entre les peuples, condition nécessaire pour ne serait-ce qu’envisager un effort de tous afin d’arrêter cette course à la destruction de notre habitat commun.
À tous les appels au secours, je réponds que l’on se trompe de sauvegarde. Albert Jacquard disait : « Ce n’est pas la planète qu’il faut sauver, mais bien l’humanité. »
La maîtrise de la fécondité, un vieux débat. Les liens entre environnement et démographie sont complexes. Certains invoquent la régulation des naissances dans les pays en développement comme solution à l’épuisement de nos ressources. Mais nous savons maintenant que la démographie se régule avec l’éducation et un niveau de vie décent. Dans les pays pauvres, les enfants sont la sécurité sociale des anciens.
Est-il encore temps ? Depuis des décennies, cette litanie s’est répandue partout et par tous les dirigeants à travers le monde. Des politiques au service des multinationales et des grandes fortunes organisent la mise en coupe réglée de la Terre. Au lieu de voir une amélioration des conditions de vie, on constate une dégradation toujours plus importante de notre écosystème. À croire que l’avantage de notre cerveau sur celui des animaux nous conduit en fait à notre perte. Ce cerveau, en capacité d’évolution continue, ne fonctionne pas rétroactivement. Il ne conçoit le progrès que comme une marche en avant, sans pause, et en accélération croissante. Plus haut, plus vite, plus grand, plus riche, plus de pouvoir de domination. Le cerveau humain n’accepte pas de remise en cause de ce qu’il conçoit comme uniquement des avancées. Au dernier forum social, sur 195 nations présentes avec la volonté affichée de prendre des mesures effectives, seuls 37 pays ont annoncé leur contribution nationale à la réduction des gaz à effets de serre.
Le dernier qui s'en va éteint la lumière
Paul Jorion,* dans un ouvrage récent, dit : « Si nous ne faisons rien, la fin de l’humanité est pour dans trois générations. Il est possible que nous soyons incapables de maintenir les conditions qui nous permettent de continuer à vivre sur terre mais que nous soyons capables de créer les machines qui vont coloniser l’univers après nous… Mais, dans notre vie quotidienne, ce que nous appelons notre volonté, la réalisation de nos intentions, est en réalité une illusion car nos intentions ne parviennent à notre conscience que plusieurs secondes en général après que notre corps a pris la décision d’agir. »
Pourtant, des solutions existent et nous les connaissons. Arrêter de détruire les forêts, de manger sans cesse plus de viande, en large majorité issue d’élevages industriels, des protéines sont disponibles ailleurs. Revoir notre économie afin de réduire les inégalités, réduire le gaspillage alimentaire – 40 % de la production alimentaire produite sur la planète est détruite –, encourager une alimentation à base de plantes, stopper la conversion des prairies, forêts et autres habitats naturels, se tourner massivement vers les énergies vertes et renouvelables, créer un plus grand nombre de réserves naturelles terrestres et marines.
Alain Dugarcein
*Paul Jorion. Anthropologue et économiste.