« Nulle bulle n’atteint la surface en conservant sa forme. »

Plasticien de la non-matière. Technicien du non-complexe. Logicien du non-pensé. Telle est la carte de visite de Gaël Jaton. Contentez-vous de ces définitions, évidemment assez compliquées pour des non-initiés. Heureusement l’addition de toutes ces négations donne des résultats positifs. Notre Géo trouve touta du talent et pourquoi pas du génie ! Il crée avec trois bouts de ficelle et quatre récupérations poussiéreuses, des performances étonnantes.

Comment vous le décrire ?

C’est un trentenaire adulescent, à la barbe soignée, un peu dégingandé, toujours vêtu des couleurs du temps, pour passer inaperçu. Il a un regard doux, des cheveux châtains, des yeux verts : une belle gueule qui n’a pas l’air de le savoir ! Il dégage une grande gentillesse qui l’aide à contourner les conflits. Il vit dans son monde : un mélange de Jamy Gourmaud et de Batiste dans les Enfants du paradis ! C’est un oiseau de nuit, ce qui lui permet de créer en solitaire dans le silence.

C’est aussi un manuel, perfectionniste. Il sait tout faire, bricolage, jardinage, mécanique, informatique, etc. Un amoureux de la nature. Depuis l’enfance, Gaël récupère, entasse dans ses divers ateliers. Ce véritable bric à brac sert et inspire ce qui fait son art aujourd’hui. En un mot, c’est un doux rêveur, un peu marginal qui partage sa vie avec Katia, chanteuse accompagnée de son orgue de Barbarie, actrice, costumière et improvisatrice. Jetez un œil sur son site, www.moutondevapeur.com. Vous comprendrez pourquoi ils se sont trouvé ces deux-là !

D’où vient cet extra terrestre ?

D’origine franco-suisse, Gaël Jaton est un artiste pluridisciplinaire autodidacte. Après des études d’ingénierie en agronomie, il se réoriente vers l’expression artistique visuelle et sonore. Il intègre l’Espace 29 en 2010, un endroit dans le centre de Bordeaux qui permet à des artistes de pouvoir bénéficier de lieux de production et d’espace de diffusion à des prix très raisonnables. Suite à la pratique de l’électronique en amateur, il se dirige naturellement vers le détournement de matériel informatique et numérique et vers la conception de dispositifs interactifs. Ses modes de restitution au public sont variés : concerts improvisés, projections vidéo expérimentales, installations en expositions. Inspiré par les phénomènes physiques et biologiques, il détourne nos objets touchés par l’obsolescence. Il réalise des performances où se mêlent recherche poétique sur la matière et l’énergie, dérision, distorsion des sens et interaction entre les éléments et le spectateur.

La visite vaut le détour !

Pour sa première exposition personnelle, Hardware, la bien nommée…Gaël Jaton a choisi de mettre en lumière la galerie de l’Espace 29. Ses travaux de détournement électronique proposent aux spectateurs une immersion sensorielle dans la culture du Glitch Art (art visuel et sonore). Afin de réduire l’espace entre le support et l’observateur. Certaines pièces sont interactives, offrant aux visiteurs une appropriation personnelle et intuitive. Afin de prolonger, d’ancrer et de partager cette expérience, des ateliers de Circuit Bending (détournement d’objets sonores) sont animés par Gaël. Des événements de musique expérimentale se dérouleront pendant la durée de l’exposition.

On ne comprend pas tout, mais c’est original, et comme on reste sur notre faim (exposition terminée depuis le 15 mars), on attend avec impatience la prochaine occasion de se faire chahuter les méninges, la vue et l’ouïe. À quand l’olfactif ? Ne manquez pas de faire un tour à l’atelier 29 rue Fernand Marin à Bordeaux.

Vous serez surpris, déconcerté mais jamais déçu.

Paule Burlaud

(Photos de D. Scherwin-White)