Une vie normale

Mal voyant, Mickaël exerce le métier de kiné malgré son handicap.

Miël, kiné au Porge en Gironde (photo Alain Lafitte)
Miël, kiné au Porge en Gironde (photo Alain Lafitte)

Âgé de 28 ans, Mickaël est kinésithérapeute depuis juillet 2019 au Porge, ville dont il est originaire. Depuis mars 2021, il travaille seul, ravi de sa décision et serein. Il est mal voyant de naissance à la suite d'une maladie d’origine génétique portée par ses parents mais qui ne touche que les enfants mâles de la fratrie. Déficient profond, il a un taux de vision inférieur à 1/20e. « Je ne ressens que les masses » précise Mickaël. Sa vision périphérique lui permet d’entrevoir de biais mais pas de face.

Si vous lui demandez quels étaient ses rêves d’enfant, il vous répondra sans hésitation : « Vivre une vie normale, ce qui est le cas aujourd’hui, aussi bien dans ma vie privée que professionnelle et dans celle d’athlète de haut niveau. Je vis comme Monsieur et Madame tout le monde ». Si vous insistez un peu, il vous dira qu’il rêvait aussi d’être sportif professionnel.

Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, ce métier ne s’est pas imposé à lui. Il l’a choisi délibérément « avec le profond désir d’exercer une profession pour aider les gens, les soigner, les soulager et aller au-delà du handicap ». Il a donc intégré l’APSAH1 de Limoges, une des quatre écoles en France proposant une formation spécifique pour une population de mal voyants.

 

Lire le corps du patient  

 

La vision contribuant à hauteur de 60 à 80 % des sensations ressenties par tout individu, on comprend la nécessité absolue de développer les autres sens, même si on n’y prête pas une attention particulière au quotidien. Dans son métier la notion du toucher prend, de fait, une part fondamentale. « Si un kiné ne vous manipule pas, ne vous étire pas, ne va pas analyser le positionnement des vertèbres, moi, je ne sais pas comment il peut faire. Il faut lire le corps du patient » explique Mickaël. Il a pu constater, au cours de ses cinq années de formation, que certains de ses futurs confrères « voyants » étaient un peu perdus en termes de manipulation et de mobilisation des patients. Il ne saurait dire si la formation dispensée à Limoges prévoyait plus d’heures de pratique mais le constat établi lors des stages en commun était évident. Du reste, de plus en plus de patients se tournent vers lui pour éviter de se retrouver dans des structures où on finit, parfois, par pratiquer des séances de groupe.

Un palmarès envié

Mickaël est aussi athlète de haut niveau – catégorie cécifoot B12. Son palmarès ferait plus d’un envieux puisqu’il a fait partie de l’équipe vice-championne d’Europe en 2019 et qu’il fut sélectionné olympique à Tokyo dans la poule du Brésil (champion olympique), du Japon et de la Chine. Il pratique au SAM3 section cohésion sociale. En ce début d’année 2022, il se prépare pour les championnats d’Europe qui auront lieu en Italie.

À la question, comment te décrirait ton entourage, il répond « Sympathique, combattant, souriant ». Sympathique et souriant, c’est évident dès le premier contact. Pour ce qui est d’être combattant avec 70 heures environ par semaine consacrées à son métier et 10 à 15 heures consacrées à l’entraînement sans compter les stages et les compétitions, on mesure mieux ce que cette valeur signifie pour lui.

Mickaël conclut : « Il faut une force mentale, je fais ce que je peux. Le but dans la vie c’est de ne pas avoir de regrets. »

Sa devise : « Tout donner »

Son prochain objectif : Paris 2024.

Nul doute qu’il y sera. 

Alain Laffitte 

Autres Handicapés es Aveugles et Autres Handicapés

1 Association pour la promotion sociale des aveugles et autres handicapés

2 Cécifoot pour non-voyants : tous les joueurs, sauf le goal, sont équipés d’un bandeau et le ballon contient des clochettes. Les joueurs sont aussi guidés par des voyants placés en dehors du terrain.

3 Sport athlétique mérignacais

 

 

Photo officielle de l'équipe de France seniorB1, en stage d'entrainement à Lens en mars 2021 ( photo Cecifoot France )
Photo officielle de l'équipe de France seniorB1, en stage d'entrainement à Lens en mars 2021 ( photo Cecifoot France )