La fête du mascaret
Remake de la Naissance de Vénus sur l’estuaire de la Gironde ou occasion de rencontres pour supporters égarés du Tour de France ?
Ni l’un ni l’autre ! Aujourd’hui, c’est fête à Saint-Pardon de Vayres sur la Dordogne, voyez-vous. Jésus a troqué ses sandales et son pagne pour une combinaison intégrale, et s’en va slider sur le mascaret, planche à ailerons sous le bras ! « Kiffer la vibe », en somme... Eh oui, car ce phénomène du mascaret, train de vagues causé par la rencontre entre la marée qui remonte le cours du fleuve et les eaux descendantes, n’est véritablement observable qu’en Aquitaine ! Approchez, approchez : voyez comme la vague roule, boule, en une série de bourrelets qui peuvent atteindre la dizaine aux périodes de grandes marées. Mais jusqu’où peut-elle bien galoper, cette vague incongrue ?
On pourrait la penser peu à son aise, cette vague, sur un fleuve habitué aux doux clapotis d’une eau plate... Que nenni ! Elle creuse son chemin vaille que vaille, et emporte sur ses flancs d’audacieux surfeurs, « ridant » sur l’eau, pour le plus grand plaisir des spectateurs émerveillés et envieux. Ils sont là, perchés, frissonnant à la moindre perte d’équilibre des funambules de l’eau. Jusqu’où voguent-ils, nos Jésus de Nazareth new age ? D’où partent-ils ? Sur quelle distance seront-ils capables de maîtriser leur équilibre et l’élément capricieux sous leurs pieds ? Un kilomètre, parfois plus pour les plus habiles. Quant aux autres, moins chanceux, ils ne grimperont que quelques secondes sur la planche et se feront doubler par la vague. Ceux-là se retrouveront le bec dans l’eau peu appétissante... seul trophée promis à tous ! Car ici, il n’y a ni médaille ni coupe ! Pour ces surfeurs, point d’Évangile. Ils se contenteront de la beauté éphémère du spectacle et des encouragements des joyeux badauds. Les surfeurs et les curieux se retrouveront sûrement ici l’an prochain : à Saint-Pardon, la Mecque des chercheurs d’insolite...
En attendant, par cette belle journée de fin d’été, le ciel est bleu, le soleil poudroie, l’herbe verdoie, et la foule au sec admire les courageux qui flottent sur les eaux. Et elle ne prend pas garde qu’elle aussi, dans quelques instants, pourrait bien se retrouver... les pieds dans l’eau ! Gare à la vague.
Margaux Moreau
(et l’atelier de journalisme)
(avril 2010)