Qui veut monter dans ma voiture ?

Des centaines de milliers de personnes en France relèvent le défi de voyager avec des inconnus. Quelle la recette du succès du covoiturage ?

 

Bordeaux, tram B, station les Chartrons, 8 heures : Élodie retrouve un couple de conducteurs, Jean et Maria, pour un covoiturage vers Clermont-Ferrand. La valise dans le coffre et c’est parti pour 4 heures de voyage. On fait connaissance en quelques mots, on précise le lieu d’arrivée, on met un peu de musique. La jeune fille préfère dormir, elle a peut-être fait la fête la veille. Plus tard, elle notera son commentaire sur le voyage : « Excellent voyage, couple sympathique et ponctuel, très bonne conduite ». Très pratiqué, l’auto partage sur ce trajet ! En effet, traverser la France d’Ouest en Est est quasiment impossible en train avec des délais raisonnables. C’est ainsi que Jean et Maria ont déjà véhiculé un séminariste du diocèse de Bordeaux en route pour une retraite en Haute-Loire, un professeur de guitare, une jeune femme rejoignant son mari, accompagnée de son petit garçon, une éducatrice partie rendre visite à ses parents et bien d’autres encore. Pour environ 25 à 30 euros par personne (tarifs conseillés par la plateforme).

 

Convival et bon marché
Convival et bon marché

Blablacar, la pionnière

Son fondateur Frédéric Mazella, alors étudiant en Californie, se heurte en France aux trains bondés pendant les vacances de Noël. S’impose à lui l’idée de voyager avec quelqu’un, une idée de génie, à l’origine de la création de Blablacar en 2006. Service gratuit à l’origine devenu payant : 15% des sommes demandées par les conducteurs (essence et péage) sont reversés à la plateforme pour son développement. En une dizaine d’années, la petite entreprise française est devenue la championne du covoiturage longue distance (90 % du marché) : 30 000 000 millions d’utilisateurs dans le monde, plusieurs millions en France. Selon une étude récente de 50 millions de consommateurs, il n’y a pas d’âge pour le covoiturage, 70 % des adeptes ont plus de 35 ans et 42 % des automobilistes l’ont testé en tant que passager ou conducteur.

 

Aire de covoiturage ( Transgironde)
Aire de covoiturage ( Transgironde)

Pratique, pas cher, écolo et convivial

C’est sans aucun doute une réponse à plusieurs besoins. Le covoiturage permet de pallier l’absence de transports en commun ou d’y échapper et de partager les coûts de la mobilité. Faire le plein des voitures réduit la circulation et la pollution : on dit qu’il suffirait qu’une personne sur cinq pratique l’auto partage pour supprimer les bouchons sur la rocade de Bordeaux aux heures de pointe. Qu’attendons-nous ? Enfin n’est-ce pas convivial de voyager en compagnie ? Jean raconte qu’un jour une jeune femme saoudienne se présente au RV pour Clermont, elle est médecin pédiatre, en France pour compléter sa formation. Rencontre insolite et passionnante, elle parle un français impeccable appris ici, s’étonne parfois de l’accueil des Français « certains pensent que nous leur prenons leur place mais c’est faux nous sommes en surnombre dans les hôpitaux et nous revenons dans notre pays ensuite » Un autre jour, une jeune retraitée n’hésite pas à parler politique « Juppé est trop vieux pour être président, moi je suis pour Macron ! » ceci en 2016 avant les deux primaires. Belle anticipation. Toujours pour revenir de Clermont, une dame bien bourgeoise, initiée par sa fille, a choisi ce mode de transport et s’amuse à raconter les recettes qu’elle a partagées avec Julie Andrieu pour la télévision. Car elle est bonne cuisinière. Les rencontres sont éphémères mais le plus souvent sympathiques.

 

Basé sur la confiance

Est-ce risqué ? Oui, on peut détester la musique du conducteur ou le bavardage des passagers, on peut tomber sur quelqu’un qui roule à 160 km/heure ou qui fait des avances…Mais c’est un mode plus fiable et plus sûr que l’autostop des années 60/70. Car chaque conducteur ou passager doit remplir un profil le plus complet possible, photo, âge, modèle de voiture, préférences ( fumeur, musique…) et les avis donnés sur le site donnent de bonnes indications ( ponctualité, type de conversation, discrétion, conduite, respect du code de la route…). Les mauvais compagnons de voyage sont en principe vite repérés.

Symbole de l’individualisme, la voiture deviendrait-elle un lieu de brassage intergénérationnel et culturel ?

 

Marie Depecker