Imaginons un instant un lieu où tous les habitants se sentiraient concernés par autrui et fonctionneraient au service rendu, cet endroit existe, il s'agit de l'Accorderie.

Exporté par nos cousins québécois, le concept de l'Accorderie repose sur un principe de solidarité, visant à favoriser la mixité sociale et l'entraide au détriment de l'exclusion et de la pauvreté. L'idée implique un échange de services entre personnes appartenant à la même communauté, celle des Accordeurs.

Échanges et rencontres

Pour décrire cet espace, visitons une grande maison, comportant sur chaque niveau des appartements, occupés par des personnes de tous âges, de toutes origines.

Pénétrons dans l'une de ces habitations, l'appartement de Madeleine, octogénaire accompagnée de son chien Fidel; elle nous dirait tout bas : « Difficile de sortir le chien à mon âge. »

Outre cette fidèle compagnie, notre gentille locataire du premier est un peu seule. Elle trouve ici l'endroit propice pour transmettre à son tour puisque Madeleine pratique la méditation. Son offre de service permet à Paul, cadre surmené du sixième, de passer le soir pour vider son sac.

Poursuivons la visite de cette charmante bâtisse, voici Léna, 28 ans qui pète la forme. En descendant du second, elle prend Fidel pour une balade dans le parc. C'est un véritable footing. Fidel a du mal à suivre la jeune fille qui court comme un lapin. Fidel n'a plus vingt ans, alors les lapins il y a bien longtemps qu'il ne court plus après.

À ce stade, vous pensez qu'il existe entre les deux personnes un lien d'affection, c'est aussi vrai, mais n'oublions pas que nous sommes dans une Accorderie. Cette fable entre le chien et le lapin à laquelle nous venons d'assister va bien au-delà du rapport d'amitié.

Il est question d'échanges à tous les étages, de la relation humaine à celui du service rendu, il permet de relier des personnes consentantes, pour donner la possibilité à chacun de se rendre utile.

Un  bon plan venu de l'entraide

Afin de comprendre en quoi il s'agit d'un échange, reprenons à l'endroit même où Léna ramène le brave Fidel aux besoins satisfaits.

À ce moment-là, le service est converti dans un compte-temps, qui permet à Lena de recevoir en retour, un service équivalent au temps qu'elle aura consacré à s'occuper de Fidel.

Cela tombe d'ailleurs à pic puisque Léna souhaitait prendre des cours de pâtisserie. Il s'avère que le locataire du quatrième, Nikos, jeune homme craquant de son état, est un spécialiste des madeleines orientales et puisque Madeleine n'est elle-même pas pâtissière, c'est finalement lui qui mettra avec Léna les mains dans la pâte.

Ainsi chacun des habitants de cette Accorderie, avec un grand A vient au secours de l'Accordeur démuni.

D'un simple Appel à l'Aide, il obtient une Alternative, propice à son Apaisement, par le biais de cette économie sociale et solidaire qui apporte une solution et engage le bénéficiaire à rendre à son tour un service dans ses cordes.

Et des cordes il en pleut, puisque les individus y apportent ce qu'ils sont en mesure de proposer, à condition que la prestation ne soit pas en rapport avec le métier exercé, pour ne pas nuire à l'économie réelle.

Il est ici question d'une richesse collective où le temps accordé aux autres nous sera rendu par la monnaie de l'échange : une heure de temps donné vaut une heure de temps reçu.

Système alternatif ou réseau solidaire ?

Notre système économique, orienté vers la consommation à outrance, amplifie l'exclusion et les inégalités.

Il s’agirait d'inventer une organisation permettant de réduire l'écart, pour que le pouvoir de la solidarité puisse faire face au pouvoir de l'achat.

Même si l'entraide seule ne suffit pas à combler tous les maux, elle redonne du sens aux liens de fraternité et d'humanité qui sont des valeurs universelles.

Ainsi, l'Accorderie est un laboratoire qui tisse son réseau, propice à faire germer l'espoir d'un monde plus juste. Mais il faudra encore quelques boutures avant que l'échange puisse un jour donner le change.

Éric Boulanger

www.accorderie.fr