Asperges du jour

Qui n’a pas envie, à l’approche du printemps, de goûter les asperges ? Les acheter en bord de champ, juste cueillies, est une garantie de fraîcheur.

par François Bergougnoux, photos D.Sherwin -White

 

À quelques kilomètres de Cestas, la ferme familiale Lebourg1 propose sur place une belle gamme d’asperges, récoltées du matin. Mais cette vente ne représente qu'une partie des 300 tonnes produites, destinées à un marché plus large en France et à l’export. Pour bien valoriser ses productions et fidéliser ses interlocuteurs, Thibaut Lebourg s’oblige à une politique de grande qualité, de la récolte aux consommateurs.

 

Douces et fondantes

Thibaut, solide gaillard de 33 ans, dirige l’entreprise avec le concours de ses parents. Il a suivi une formation d’ingénieur agricole à l’école de Purpan à Toulouse, enrichie d’une expérience au Canada puis aux Pays-Bas. En 2015, il s’installe comme jeune agriculteur et démarre, deux ans plus tard, la culture d’asperges.

« Avant de nous lancer dans ce légume, précise-t-il, nous avons fait le choix stratégique de réaliser une production de haute qualité et de créer, sur le domaine, un outil de conditionnement et de commercialisation, pour mieux la valoriser. Cela requiert des investissements importants pour une surface de 47 hectares. »

Obtenir une asperge de qualité, la plus fraîche possible, exige en effet le top de l’organisation et de la technique. C’est d’abord l’option de variétés précoces, pour bénéficier de meilleurs prix, mais aussi douces, fondantes et sans fibres, pour être plus agréable à consommer. Elles sont implantées sur des buttes circulaires en arc de cercle autour du pivot d’arrosage, système traditionnel des Landes, avec une adaptation pour que l’eau soit diffusée au plus près de la culture, pour limiter les pertes. Ces buttes recouvertes de plastique, sont plus hautes que d’habitude (80 centimètres au lieu de 60) pour accroitre encore plus la précocité, grâce à une surface plus grande exposée au soleil.

L’entreprise bénéficie d’un certificat de haute valeur environnementale de niveau 2, délivré par l’État. Le domaine pratique une bonne rotation des cultures, pour une régénération du sol et utilise chaque fois que possible des traitements issus de l’agriculture biologique. En revanche, le criocère, ravageur invasif de l’asperge, nécessite parfois un traitement plus radical pour stopper son expansion.

 

Du champ à l’étal

La récolte doit impérativement être réalisée quotidiennement, pour proposer un maximum d’asperges blanches, les plus tendres possible. Elles sont transportées très vite à la station de conditionnement, dans des palox2 remplis d’eau. La production du jour doit être livrée rapidement. Cela nécessite une bonne organisation pour avoir le temps de faire toutes les opérations de conditionnement dans la journée.

Les cueilleurs commencent dès 4 heures du matin, avec l’aide de lampes frontales. Pour faciliter leur travail, un équipement d’aide à la récolte, équipé de batteries, avance dans le rang en soulevant la bâche et en transportant les caisses. Une trentaine de personnes interviennent ensuite, dans une chaîne d’une cinquantaine de mètres, pour le lavage, le triage, le conditionnement et la préparation des commandes.

Parmi les nombreuses opérations, partiellement automatisées, le tri optique qui sépare les asperges blanches et violettes, puis intervient le tri par calibre… avant de les doucher avec de l’eau à 2 degrés pour mieux conserver leur fraîcheur. Vient ensuite la phase conditionnement en bottes traditionnelles, caisses de 5 kilos, sachets papier… par calibre et catégorie. En fin de parcours, les commandes du matin sont préparées, avec une ou plusieurs palettes par destinataire prêtes à être livrées.

 

 

De Bordeaux à Singapour

Livrer tous les jours est indispensable pour mettre à la disposition des consommateurs, sous 48 heures, des asperges ayant conservé toute leur fraîcheur. Cette qualité est assurée jusqu’à la livraison mais la grande distribution n’assure pas toujours les conditions nécessaires pour éviter leur desséchement dans le rayon. L’entreprise privilégie les livraisons directes sur les lieux de vente car cela est préférable pour le maintien de la qualité.

Ses interlocuteurs sont d’abord les grossistes qui alimentent les détaillants, les acteurs de marchés locaux et les restaurants. Ce sont aussi les hypermarchés et supermarchés ou leurs centrales d’achat. Il y a également des ventes directes à l’export, en Europe, au Japon, États-Unis, Taïwan, Singapour… à la demande de chefs cuisiniers français.

Notre interlocuteur, très présent également sur les réseaux sociaux, tient particulièrement à la vente à la ferme. « Cette offre, explique-t-il, permet aux habitants de la région d’effectuer un achat de qualité à un prix abordable3, pour une consommation immédiate ou pour des conserves. C’est aussi pour nous un outil précieux pour recueillir les appréciations des consommateurs et corriger notre façon de travailler. »

Sept ans après la décision de cultiver des asperges, Thibaut Lebourg est satisfait des résultats. Pendant cette période, les journées sont très chargées et les échanges parfois tendus avec les distributeurs mais la fraîcheur de ses produits lui donne un atout économique indéniable.

François Bergougnoux

 

1Ferme Lebourg, 26 avenue Saint-Jacques de Compostelle 33 610 Cestas, au bord de la D 2010. Ouvert mercredi et samedi de 10 h à 12 h et vendredi de 16 h à 18 h, du 15 février au 15 mai.

2 Caisse dont la base est une palette

3 À voir sur le site https://www.lebourg-agri.fr, les catégories et tarifs des asperges proposées à la vente et la commande en ligne.

 

Une belle exploitation (en encadré) Les asperges occupent aujourd’hui une surface de 47 hectares pour un rendement de 250 à 300 tonnes selon les années. D’autres productions sont cultivées : maïs grain (400 hectares), maïs pour popcorn (60 hectares), gazon en rouleau (100 hectares) mais aussi des carottes (100 hectares) et des pommes de terre (40 hectares), bénéfiques à la bonne gestion des sols. Pour ces cultures, Thibaut s’appuie sur une équipe de 12 permanents dont un chef de culture. Pour la production d’asperges, 64 saisonniers espagnols participent à la récolte et à la chaîne de conditionnement. Recrutés en couple, ils reviennent tous les ans, fidélisés par les conditions accordées, notamment des logements gratuits dans des mobil-home installés sur la propriété.