De la récolte au panier

 

En évitant les intermédiaires présents dans les circuits habituels de distribution, l’AMAP Papille d’Eysines crée un lien direct entre producteurs et consom’acteurs et s’inscrit dans une nouvelle forme de marché intéressant des consommateurs engagés.

Par Dominique  Beutis

 

Depuis leur création en 2003, les Associations pour le maintien de l’agriculture paysanne (AMAP) associent producteurs locaux et « consom’acteurs ». Elles ont pour objectif de préserver l’existence et la continuité des exploitations de proximité dans une logique d’agriculture paysanne. Elles permettent aux consommateurs d’acheter à un prix juste des produits d’alimentation de qualité en étant informés de leur origine et de la façon dont ils ont été produits.

Créée en 2008 en début de mandat de Christine Bost, nouvellement élue maire d’Eysines, l’AMAP Papille* a le souci de promouvoir une agriculture durable socialement équitable et écologiquement saine tout en créant ou recréant du lien social entre citadins et agriculteurs. Au travers d’échanges conviviaux et de partage chacun apporte sa contribution au bon fonctionnement de l’association.

Didier Tran Manh Sung, élu municipal sous la bannière écologiste, membre fondateur des deux Amap d’Eysines (Papille et Migron), secrétaire chargé des relations externes (mairie et Amap Migron) a répondu aux questions de L’Observatoire.

 

 

L’observatoire : Dans quelles conditions l’Amap Papille a-t-elle été créée ?

Didier Tran Manh Sung : Lors de notre élection, il nous est apparu important de valoriser ce lien direct entre producteur et consommateur, privilégié par les Amap. Mais si une mairie peut favoriser l’implantation d’une telle structure, il ne lui appartient pas de la mettre en œuvre. Tout s’est donc joué dans une rencontre avec une adhérente de l’Amap de Blanquefort qui souffrait d’un trop plein d’adhérents. Nous avons alors organisé des réunions entre des Eysinais et un couple de maraîchers implantés sur la commune. Il faut savoir que la zone maraîchère d’Eysines est un des cœurs battants de la commune. Les choses sont allées ensuite assez vite. L’association a vu le jour et a pris de l’essor puisque trois ans après nous comptions déjà 90 foyers adhérents, ce qui est trop. C’est alors que nous avons proposé la création d’une seconde Amap, celle de Migron. Aujourd’hui les deux structures fonctionnent en totale autonomie, mais les liens entre elles perdurent.

 

— Vous utilisez le terme du « consom’acteurs » : pourquoi ?

Les Amapiens ont à cœur d’être véritablement actifs par rapport à leur alimentation, aux produits consommés et au système économique qui sous-tend cette consommation. De plus les adhérents aident les producteurs lorsque ceux-ci sont mis à l’épreuve : intempéries, dégâts, surproduction… Bien entendu ce soutien se fait strictement dans le cadre des règles législatives et sociales auxquelles nous sommes très attentifs, notamment lorsque des salariés travaillent sur l’exploitation. Enfin durant la période du Covid, nous avons réalisé des paniers solidaires que des adhérents livraient aux plus démunis.

 

— Quels engagements implique l’adhésion ?

Une Charte, commune à l’ensemble des Amap, pose les bases éthiques, les principes de fonctionnement du partenariat entre paysans et consommateurs. Tout nouvel adhérent s’engage à la respecter, particulièrement les éléments de solidarité. Il accepte les possibles aléas de la production. Enfin il accepte, trois mercredis par an,  de participer aux distributions prévues.

Lors de la signature du contrat le producteur s’engage à livrer annuellement un nombre défini de paniers. Il doit par ailleurs cultiver et produire en respectant biodiversité et environnement. Si sa production ne permet pas de livraison durant une période, il est tenu de la fournir ultérieurement.

Pour sa part le client accepte de régler d’avance l’achat de produits en établissant des chèques à l’ordre de l’exploitant correspondant au paiement des paniers. Ceux-ci sont remis au coordonnateur (membre de l’association) qui les distribue trimestriellement au producteur. Ce système, hors économie de marché, garantit une entrée de revenus à l’exploitant. Celui-ci écoule ses produits, évite la surproduction. Il peut se consacrer à la valorisation de son savoir-faire et à la qualité de sa production.

 

— Combien de producteurs sont-ils inscrits dans le circuit ? Comment les recrutez-vous ?

Nous comptons actuellement une dizaine de contrats. Les producteurs nous sollicitent souvent. Les adhérents en suggèrent aussi. C’est là que rentrent en scène les coordonnateurs de l’Amap. Ils vont vérifier sur place les conditions d’organisation et de production de l’exploitation. Nous recherchons toujours la plus-value environnementale qu’un exploitant peut assurer par rapport à un autre. Ensuite, nous effectuons une fois par an une visite de contrôle. Mais le contrat est toujours signé entre le producteur et le consommateur. L’Amap assure l’interface de communication. Un bilan est effectué systématiquement lors de l’assemblée générale.

 

— Quel type de produits proposez-vous ? Comment définissez-vous leur coût et la programmation des distributions ?

Actuellement, nous proposons légumes, pommes, fruits d’été, champignons, kiwis, œufs, miel, poissons, volailles, tisanes, fromages de chèvre, farine et huile. Le producteur définit ses coûts qui seront les plus justes pour les Amapiens et suffisamment rémunérateurs pour lui. Plusieurs séances de prise de contact formalisent l’engagement. Le coût de l’adhésion à l’Amap s’élève à 10 € par personne. Le prix des produits livrés est fixé au panier. Par exemple, le panier de légumes peut s’élever à 14 € pour quatre personnes et 8,50 € pour deux personnes. La distribution se fait une fois par semaine le mercredi de 18 h 30 à 19 h 30 au Pavillon du Bourdieu de Ferron, local municipal. Les deux Amap d’Eysines ont certains contrats en commun et distribuent le même jour aux mêmes heures pour un service accru au producteur.

 

Aujourd’hui, quels sont les points forts de votre Amap ?

Nous avons une bonne cohésion d’équipe, un engagement municipal solide et une variété de contrats très satisfaisante. Ce que nous pouvons regretter c’est une certaine baisse du nombre d'adhérents mais les nouveaux Amapiens sont jeunes et pleins d’énergie. Ce qui nous permet d’être confiants sur leur contribution au développement d’une agriculture de proximité qu’ils ont à cœur de faire vivre.

 

*AMAP Papille 75 avenue de la Libération 33 320 Eysines

amapapilleysines@gmail.com

Présidente : Guylaine LAGORSSE

 

Avantages et limites du système 

L’Amap est avant tout un système de solidarité avec le producteur. Le consommateur a la garantie d’avoir des produits frais, issus d’une agriculture paysanne de proximité respectant l’environnement et les règles sociales liées à l’emploi. Par ailleurs, en diminuant les intermédiaires sans faire payer beaucoup plus les consommateurs, le producteur réalise une marge plus importante sur sa vente. L’inconvénient c’est que les produits sont fournis en fonction des saisons ou de la récolte. Et bien sûr on ne sait pas ce que l’on aura dans le panier De ce fait, le consommateur doit s’adapter à la production fournie alors que dans le système économique global c’est plutôt l’inverse.

 

 

De nouveaux circuits courts

Aujourd’hui de nombreux producteurs vendent sur l’exploitation ou adhèrent à d'autres systèmes de paniers maraîchers ou de casiers connectés. Ces dispositifs, plus souples, n’imposent pas les contraintes auxquelles sont astreintes les Amap, notamment en termes de contenu des paniers. Ceci n’est pas sans conséquences pour les Amap. Ainsi Papille qui comptait une soixantaine d’adhérents lors de la création de la seconde Amap n’en totalise plus que 45.