Le ventre de Bordeaux

 

À Brienne, un vaste marché de gros approvisionne les étals de de la Métropole.

 

Pierre Pichardie, directeur du Marché d’intérêt national de Bordeaux (MIN) nous parle de ce vaste marché alimentaire de gros installé à Brienne au sud de Bordeaux. Un café partagé nous permet d’évoquer l’histoire de cet ensemble et de son fonctionnement. Il pilote avec son équipe, depuis 2020, le projet de développement des activités du site qui occupe 12 hectares avec 40 000 m² de surfaces louées, en plein cœur du projet Euratlantique.

 

L'Observatoire : Quelle est la structure de votre établissement ?

Pierre Pichardie : Le site est une propriété de Bordeaux Métropole. La gestion a été confiée à une Régie (Établissement public à caractère industriel et commercial) via une convention de gestion. C'est une structure à autonomie financière et personnalité morale, c’est-à-dire que son financement est assuré par des recettes commerciales (redevance, loyers et droits d’accès aux parkings). Elle dispose de son propre conseil d’administration.

Par notre activité, nous sommes soumis à deux régimes différents : le code du commerce pour le commerce de gros et le code général de la propriété des personnes publiques car nous sommes sur le domaine public et par voie de conséquence, les occupants ne peuvent avoir qu’un droit d’occupation temporaire. Sur le site nous avons deux baux emphytéotique1 et une centaine de contrats de location pour les grossistes et les producteurs pour des durées variables de trois à quinze ans.

 

Comment fonctionne le marché ?

Le schéma est relativement simple et journalier. Le marché a deux types de fonctionnement.

Une activité d'achat physique en présence des clients. Ce type d’achat se fait sur le carreau fruits et légumes (12 000 m² de surface de vente) du mardi au samedi de 4 heures à 8 h 30 et sur les cash and carry fleurs2 de 6 heures à 15 heures et l’épicerie de 6 heures à 18 heures.

Une deuxième activité, de livraison uniquement. La commande est préparée dans les entrepôts et livrée aux clients.

Dans les deux cas, le flux d’approvisionnement se fait en début de nuit de 22 heures à 3 heures ce qui permet aux opérateurs d’agréer la marchandise et de la mettre en place.

 

Ce schéma est complété par un marché hebdomadaire de producteurs pépiniéristes et horticulteurs tous les jeudis matin de 4 heures à 8 h 30.

Quelle est son histoire ?

En 2023, nous avons fêté les 60 ans du marché. Après la seconde guerre mondiale et au commencement des Trente Glorieuses, l’exode rural eut pour résultat une forte croissance des villes et donc le besoin d’assurer la sécurité de l’approvisionnement de leurs habitants. L’État a souhaité créer un lieu où se rencontrent l’offre et la demande, avec l'objectif de valoriser la production d’un territoire. Mais la création du MIN ne s’est pas faite sans douleur (lire l’encadré). À l’époque, nous étions à la périphérie de Bordeaux. Le site a certainement profité de sa proximité avec la gare et du réseau routier.

À son ouverture, il comportait deux bâtiments ; naîtront dans les années suivantes, six autres bâtiments dont le local dédié aux fleurs en 2000. Les dernières rénovations datent de 2005. Un plan pluriannuel de restructuration 2023-2033, financée sur les fonds propres de la régie, permettra de réhabiliter et de rendre l’ensemble plus homogène et en cohérence avec la ceinture bâtie du projet Brienne 2025.

 

Pouvez-vous nous parler de ce projet ?

Notre rôle est de proposer une offre importante et diversifiée en rassemblant de nombreux acteurs (producteurs, négociants…) pour que les clients puissent faire jouer la concurrence afin de diminuer leur coût d’approvisionnement. De plus, le MIN se trouve, aujourd’hui, au cœur d’un quartier en pleine mutation puisqu’il s’inscrit au sein du projet Euratlantique. Dans ce contexte, la Métropole a fait le choix de conserver le MIN sur son emplacement historique. Pour cela, il a été nécessaire de définir un projet stratégique, Brienne 2025, donc, pour pouvoir insérer le MIN dans ce nouveau contexte urbain et participer à l’animation du quartier. Pour qu'il reste sur son périmètre sans extension, la solution est de densifier le site en créant une ceinture de bâtiments tout autour des locaux actuels du site avec un rez-de-chaussée dédié aux entrepôts sur environ 8 000 m² et des étages avec des activités en lien avec le MIN (interprofessions, institutionnels, centres de formation, espaces de dégustation…). Cet espace en étage pourra être ouvert sur le quartier en proposant des animations comme des cours de cuisine par exemple.

La fonctionnalité du toit terrasse reste à définir : un espace paysagé, ludique ou autre. Les choix sont en cours d’étude.

 

Quels sont les avantages de ce projet ?

Il permettra de définir un vrai pôle alimentaire et végétal sur le site avec l’ensemble des acteurs de la filière, mais ce projet, par son architecture, permettra une insertion du marché dans le quartier pour être un acteur de vie sans provoquer de nuisances.

 

Quels sont vos projets pour diversifier votre offre ?

En dehors du travail sur les bâtiments, nous avons la volonté de diversifier notre offre. En effet, notre activité repose à 75 % sur les fruits et légumes. Nous travaillons sur l’élargissement des activités avec notamment l’arrivée d’un nouvel acteur marée qui viendra compléter l’offre existante mais aussi le développement de la filière traiteur gastronomie. Ainsi, en 2023 a été inauguré le pavillon de la gastronomie réservé à la commercialisation de produits locaux et bio. Une gamme de produits hors fruits et légumes est proposée à destination des professionnels avec des produits carnés, de la crèmerie et une offre en épicerie.

Sont présents également un vendeur d’épices, un groupement de vignerons de Saint-Macaire et un producteur de vinaigre, œufs et farine.

Bernard Diot

 

Emphytéotique1 : bail commercial pouvant s’étendre sur des périodes de 18 à 99 ans.

 

Cash and cary: une forme de vente appartenant au commerce de gros, effectuée en libre-service, à destination des professionnels, collectivités etc.

 

Encadré

La création du MIN en 1962, avec le principe du périmètre de protection interdisant toute activité de grossiste en dehors du MIN, déclenche une vive polémique sur fonds d’affrontements politiques et de procédures judiciaires. En 1970, des compromis sont trouvés. Soixante plus tard, les deux marchés, MIN et Capucins, cohabitent avec leurs spécificités et leur rôle respectif.

Source : Les palais des comestibles, édité par les Archives de Bordeaux Métropole

 Le MIN en chiffres

12 hectares, 8 bâtiments, 40 000 m2 loués, 100 entreprises sur le site, entre 650 et 750 employés

163 000 tonnes de produits y transitent par an

Un chiffre d’affaires de 291 000 000 € par an

Huit opérateurs : fruits et légumes 38 %, fleurs 29 %, viande et marée 10%, transport 6 %, service 6%, épicerie 6%, accessoire et liquides 2 %, crèmerie 3 %

 

Répartition en volume : fruits et légumes 76 %, épicerie 12 %, viande et marée 6 %, crémerie 3 %, liquides et accessoires 1,5 %, fleurs 1,5 %.