Capter la lumière
Bernard Fournier, grand maitre-verrier accepte de parler de son art. Il a réalisé de très nombreuses restaurations de vitraux et aussi des créations, dans toute l’Aquitaine.
Le vitrail, au Moyen Âge est une fenêtre colorée, obtenue par l’assemblage, au moyen de tiges de plomb, d’une multitude de verres plats soufflés à la bouche, découpés et peints à la grisaille afin de créer une haute paroi lumineuse à but décoratif. Le verre a été découvert par des marchands phéniciens qui utilisaient du nitrate comme support de leur marmite, sur le feu. Nitrate et sable ont formé un liquide transparent. Vers 600 après J.C. en soufflant dans une bulle que l’on fait tourner, on obtient un verre qui peut s’aplatir. Pour des effets magiques, des oxydes métalliques fondus dans le creuset, colorent en vert, en orange et rouge profond, ou en bleu cobalt comme à la cathédrale de Bazas. Dans les fours à bois, au Moyen-Âge, on employait une grande quantité de fondant, ce qui rend les verres chimiquement peu stables, attaqués par notre atmosphère polluée. Ils sont « tendres », le maitre-verrier doit alors intervenir. Ils sont nettoyés de la couche de manganèse qui les opacifie. On doit les doubler par du verre transparent qui les protège de la corrosion; au cours du temps de petits trous se forment (on peut y passer une aiguille), ils retiennent l’eau et le phénomène s’amplifie. On ajoute aussi un fin grillage de cuivre pour éviter les impacts de la grêle ou des oiseaux.
Patience et détermination
Phase préparatoire du dessin à l’échelle1/10, pour une création. Cette ébauche du vitrail dure une semaine. Le maitre-verrier décide et réalise la coupe des verres, choisit les teintes qui une fois éclairées seront conformes au dessin, il y consacre encore huit jours. Puis le peintre intervient. Il doit faire des essais au four radiant afin d’obtenir la couleur exacte prévue ou celle du vitrail à restaurer. Il ajoute les lignes noires qui délimitent le sujet, puis étend la grisaille pour les ombres et le modelé. Ce travail minutieux dure 15 jours. Vient ensuite la cuisson qui peut se faire en 5 ou 6 fois, pour un meilleur rendu. Pendant encore 15 jours, les jeunes verriers assembleront tous les morceaux numérotés, rangés dans des casiers, ils les entoureront de lames de plomb puis devront souder pour solidifier l’ensemble. Avec les grandes campagnes de restauration d’édifices (70% des vitraux mondiaux sont en France), on redécouvre le savoir-faire médiéval, l’utilisation du jaune d’argent, seule peinture translucide. Elle doit être fixée par une cuisson à une température modérée (environ 630° C) qui permet au fondant de s’incorporer au verre. L’époque de la reconstruction des églises est révolue. La formule des vitraux à insérer dans les appartements ou à suspendre devant les fenêtres reste une bonne alternative.
Vitrodecobordo*
Vous pourriez faire réaliser aux couleurs de votre choix un petit tableau à placer en pleine lumière, pour le plus bel effet ou un abat-jour en verre opalescent. Venez visiter l’atelier de Patricia Toujas. Des stagiaires y travaillent, l’ambiance est chaleureuse, les conseils avisés. Ils disposent de verres industriels américains, de tous les tons, toutes épaisseurs, des outils pour couper, poncer, ajuster et apprennent différentes techniques. Pour le vitrail à lames de plomb, le dessin grandeur nature est réalisé sur une feuille jaune puis sur un carton rigide à la dimension du panneau vitré. On recouvre d’une feuille calque sur laquelle s’impriment les lignes de plombages. La feuille jaune est découpée avec les ciseaux à trois lames qui enlève l’épaisseur du plomb, les verres auront la même forme. Datant de 1889, le procédé Tiffany, permet de travailler en trois dimensions. On utilise un fin ruban de cuivre autocollant qui permet d’ajuster les différents verres. Il faut ensuite souder toutes ces lames de cuivre. Quant au fusing, plusieurs verres sont superposés et chauffés pour donner un objet original. C’est toujours dans un atelier silencieux que les sombres merveilles sont conçues, seule la lumière les révèlera !
Pierrette Guillot
*vitrodecobordo : nom du site de Patricia Toujas
Atelier Bernard Fournier : 18 rue Pablo Neruda Thouars 33140 Villenave d’Ornon Tél 05 56 91 44 12.
Atelier Patricia Toujas- Bordeaux Caudéran, 165 rue Etchenique -Tél 06 84 59 61 60