Une mobilité propre?

Raccordement à une borne de recharge sur le parking d'un centre commercial
Raccordement à une borne de recharge sur le parking d'un centre commercial

 

Selon la publicité et les déclarations dithyrambiques de ses promoteurs, la voiture électrique serait l’un des meilleurs outils pour lutter contre le réchauffement climatique, mais est-elle pour autant écologique ?

Par Roger Peuron

 

Le transport par véhicules thermiques représente actuellement 23 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO2). La réduction drastique de ce pourcentage implique l'adoption croissante de modes de transport électrifiés. En France aujourd’hui, le parc automobile compte environ 35 millions de véhicules particuliers et utilitaires thermiques. Pour respecter l’objectif « au moins 20 % des véhicules routiers électriques d'ici 2030 », le nombre de ceux-ci devrait être de 7 millions.  Ce qui implique la production d'une masse considérable de batteries faisant appel à des métaux rares dont l’extraction est généralement source de pollution.

 

Électricité bas-carbone

L’Union européene stipule qu’il sera interdit de vendre, à partir de 2035, des véhicules thermiques, afin de viser, pour 2050, zéro émission de CO2, gaz responsable de près de 65 % de l'effet de serre et par conséquence de l’échauffement climatique. Ce qui implique, à terme, que la quasi totalité des véhicules soit électrique. À noter toutefois que le vote des 27 états membres, prévu le 7 mars 2023, pour entériner cette décision, a été reporté, Berlin s’étant abstenu, empêchant de réunir la majorité nécessaire. L’Allemagne souhaite que la Commission européenne ouvre la voie aux carburants de synthèse, y compris après 2035. Cette technologie, en développement, consiste à produire du fuel à partir de CO2 issu notamment des activités industrielles, en utilisant de l’électricité bas-carbone. Défendue par des constructeurs de véhicules haut-de-gamme allemands, elle permettrait de prolonger l’utilisation de moteurs thermiques. Mais il est probable que la décision initiale soit tout même appliquée, même avec des dérogations.

 

40% du prix

Face à la voiture, tous les automobilistes ne sont pas égaux. Alors que les personnes qui résident dans une maison individuelle peuvent charger sans problème leur véhicule à partir d’une prise adaptée de 220 volts installée dans le garage, les habitants des villes ne disposent pas, ou très peu, de bornes de recharge. Plus gênant encore, le retard pris pour leur implantation le long des routes et autoroutes. Actuellement, une recharge, même avec les bornes les plus performantes, dure de 20 à 30 minutes, ce qui n’est en rien comparable aux quelques minutes pour réaliser un plein. Souhaitons que les choses s’améliorent dans l’avenir, car, sauf à multipler grandement leur nombre et donc les coûts, on va vers de longues files d’attente aux stations. Si l’on ajoute le prix des batteries qui représente 40 % du montant des voitures et un poids conséquent, environ 25 % du poids total, voilà plusieurs freins à un déploiement rapide. Il y a bien des études et des essais pour alléger le véhicule notamment par la réduction du poids de la batterie. C’est le cas de la Gazelle en cours de développement à Blanquefort. (Lire par ailleurs)

Les véhicules les plus performants peuvent prétendre à une autonomie de 500 km, sous réserve de ne pas utiliser  le chauffage, l’éclairage, les essuie-glaces ou encore la climatisation. Selon les spécialistes, en utilisation normale, cette autonomie est en réalité de l’orde de 350 km. Il est donc nécessaire de disposer de batteries capables d’emmaganiser l’énergie nécessaire et donc de les fabriquer.

 

Se pose alors la question de l’écologie de la chaine industrielle. Actuellement les batteries sont constituées de métaux rares. Pour les véhicules les plus performants, de 20 à 30 kg de nickel et 15 kg de lithium. Sans compter, dans plusieurs cas, des masses non négligeables de manganèse, de cuivre et de cobalt.

La nature agressée

Extraire ces métaux est tout sauf écologique. Le nickel est extrait en Indonésie ou en Nouvelle-Calédonie où, comme ailleurs, il n’existe jamais à l’état pur et toujours en faible proportion dans le minerai. Il faut creuser, broyer, cribler, creuser encore. « En Nouvelle Calédonie, en 2006, les surfaces dégradées liées aux mines à ciel ouvert étaient de 20 000 hectares. (ndlr : soit quatre fois la surface d’une ville comme Bordeaux !) La déforestation et l'excavation des sols et des roches entrainent la destruction complète du milieu. À cela s'ajoutent l'érosion, l'imperméabilisation des sols dénudés et les inondations qui vont avec, ainsi que la dissémination des poussières riches en métaux toxiques. », expliquent plusieurs défenseurs de l’environnement.

L’extraction du lithium n’est guère plus écologique. Qu’il provienne des hauts plateaux des Andes, de Chine ou d’Australie. Il demande beaucoup d’eau et d’énergie. Dans les mines de roches dures, pour chaque tonne de lithium extraite, 15 tonnes de CO2 sont émises dans l’air. Autorisation a été donnée à la société Imerys de mettre en exploitation, en France, d'ici 2027, un des plus grands gisements européens de ce métal, sur le site de Beauvoir, dans l'Allier. Le procédé retenu se révèle lent, énergivore et nécessite de très grandes quantités d'eau, ressource de plus en plus rare.

Quant au cobalt que l’on trouve également dans les batteries, il provient du Congo où il est extrait à la main par des enfants !

Les constructeurs prévoient, afin de gagner du poids, des carrosseries en aluminium. Mais l’extraction de ce métal génère des boues rouges hautement toxiques généralement déversées dans la mer au mépris de l’environnement. Or, dans le même but de réduction de masse, la carrosserie de la Gazelle est en matériaux composites.

Généralement les experts considèrent que la production d’un véhicule électrique et de sa batterie réclame plus d’énergie et émet deux fois plus de gaz à effet de serre que la fabrication d'un véhicule thermique. Si l’on ajoute les atteintes à l’environnement, l’image d’une voiture propre est sans doute vraie lors de son usage, mais l’est beaucoup moins si l’on considère la totalité de la chaîne.

 

Roger Peuron

La Gazelle

Gaël Lavaud, ingénieur de l’École centrale de Lyon a consacré de nombreuses années à l’innovation, aussi bien dans de grands groupes automobiles que dans des PME réactives et dynamiques. Il a eu l’idée de développer et, à terme, de produire une voiture électrique légère, offrant la même sécurité et un confort équivalent aux berlines à moteur thermique de sa catégorie. Pour ce faire, il a créé une start-up, Gazelle Tech, implantée à Blanquefort. 

Le gain de poids est obtenu sur le châssis et la carrosserie qui assurent une part importante de la sécurité du véhicule et de son confort. Les deux sont généralement constitués de plus de 200 pièces en acier, métal relativement lourd. En réduisant le nombre de ces pièces à une dizaine et en utilisant des matériaux composites, bien connus dans l’aéronautique et le nautisme par exemple. La Gazelle ne pèse que 850 kg, alors qu’une Zoé de Renault, qui a des dimensions analogues, pèse 1,5 tonne, pour le même service rendu, en l’occurrence, transporter cinq personnes. Et elle consomme 40 % d’énergie en moins, d’où une batterie moins imposante et donc moins lourde. Enfin, le choix d’une autonomie plus faible, environ 180 km, amène à une réduction significative du coût, sachant que le prix de la batterie représente 40 % du prix de la voiture. 

La qualification du véhicule par les services officiels est en cours, compte tenu des bons résultats des essais réalisés en usine. Tout laisse à penser qu'elle sera rapidement acquise.

La conception permet un assemblage simple et rapide, quasiment sans machine, ni bien sûr de robot, aussi est-il envisagé de répartir, dès 2024, des micro-usines réparties dans les territoires, avec à la clé la création d'emplois.