Elle court la rumeur
Vieille comme le monde, la rumeur a gardé toute sa vivacité à l'occasion de la crise du Covid
On peut définir la rumeur comme un phénomène de transmission large d’une histoire à prétention de vérité et de révélation par tous moyens de communication (dictionnaire). C’est aussi ce que tout le monde dit, mais que personne n’a jamais vu. Les fausses informations ou fake news, pour céder à l’anglicisme ambiant, les erreurs des journalistes, la propagande, les interprétations sujettes à caution, voire les canulars (Orson Welles et l’invasion des Martiens en 1938) rentrent dans ce cadre. L’apparition du Covid et les craintes propagées autour de la vaccination ont redonné de la vigueur à ce phénomène. Faisons le point.
Réactions de peur
Le mécanisme d’apparition de la rumeur est toujours le même : à partir d’un fait réel, plus ou moins déformé ou totalement imaginaire, la rumeur naît, grandit, se propage et finit, mais pas toujours, par disparaître. Pour vivre, elle a besoin d’un terreau favorable, d’oreilles attentives. Elle se propage d’autant mieux qu’elle s’inscrit dans l’air du temps.
On peut se demander pourquoi les rumeurs sont, la plupart du temps, malveillantes. L’adage populaire dit que les gens sont méchants. C’est moins simple que cela. Les bruits qui courent correspondent souvent à des réactions de méfiance, de peur vis-à-vis d’événements ou de personnes qui échappent à la doxa et viennent bousculer les préjugés.
Internet et les réseaux sociaux ne créent pas le phénomène, mais l’amplifient et augmentent sa rapidité de diffusion.
Mais venons à l’actualité, avec l’épidémie du Covid-19 qui se prête particulièrement à la diffusion de rumeurs : apparition inopinée dans un pays exotique au régime politique opaque, propagation rapide et mondiale, environnement international incertain, mise au point inhabituellement rapide du vaccin.
La méfiance vis-à-vis de celui-ci se traduit par la phrase maintes fois entendue : « Je préfère attendre ».
Le docteur Arnaud Desclaux, spécialiste des maladies infectieuses qui travaille dans le service du professeur Neau à l’hôpital Pellegrin de Bordeaux, répond à nos questions et aux interrogations propagées par les fake news :
— L’Observatoire : Les rumeurs négatives concernant le vaccin anti-Covid nuisent-elles à la campagne de vaccination ?
— Dr Desclaux : La vaccination n’a pas été vraiment gênée par les rumeurs, en tous cas, pas plus que la moyenne de la réaction réticente d’une minorité qui refuse les vaccins et les réseaux sociaux jouent un rôle souvent négatif dans le rejet de la vaccination. Il existe quand même une spécificité par rapport au Covid : la contagiosité est telle qu’il faut qu’un pourcentage très élevé de la population soit vacciné pour atteindre l’immunité collective.
— Quels sont les principaux effets secondaires du vaccin anti-Covid ?
— Globalement, ils sont identiques à ceux qu’on peut avoir pour toute vaccination : fièvre, courbatures, douleur au point d’injection sans gravité. Toutefois, il semble que, dans quelques très rares cas, surtout avec les vaccins Jansen et Astrazénéca, il y ait eu des accidents de thromboses, en particulier cérébrales, ainsi que de rares cas de myocardite, surtout avec le vaccin Moderna. Mais cela reste exceptionnel.
— Peut-il y avoir une modification du génome ?
— Il n’y a pas de modification du génome avec les vaccins ARN messager, ni à vecteur viral. La rumeur existe, mais pas le phénomène.
— Comment se fait-il que l’immunité collective tarde à venir alors qu’une bonne partie de la population a eu le Covid et que 75 % de celle-ci a été vaccinée ?
— Elle tarde à venir, car le virus est très transmissible. Le variant Beta l’était déjà et le Delta l’est encore plus. Ceci-dit, l’efficacité des vaccins sur les cas graves nécessitant une hospitalisation est excellente. Cette efficacité sur la transmission du virus est de 50 %. L’idée du zéro Covid s’éloigne un peu, mais on peut penser que les vagues épidémiques seront de moins en moins fortes. Il faudra sans doute arriver à plus de 90 % de la population vaccinée pour obtenir cette immunité de groupe.
— Pouvez-vous nous dire deux mots sur les traitements curatifs ?
— Il s’agit d’une part, d’anticorps monoclonaux fabriqués en laboratoire d’autant plus efficaces qu’ils sont utilisés précocement. Ils sont curatifs et utilisés en préventif sur des sujets à risque. La deuxième catégorie, ce sont les antiviraux élaborés par les laboratoires MERCK et PFIZER.
— Quid du taux de mortalité ?
— Il s’élève à 1% des personnes infectées, ce qui relativise les comparaisons qu’on peut faire avec les grandes épidémies du passé.
— Enfin, certains réseaux sociaux ont évoqué la possibilité que ce virus aurait été créé dans un laboratoire chinois à WUHAN et se serait échappé.
— Il n’y a aucun élément tangible qui permette d’étayer cette hypothèse. Il s’agit probablement d’un virus d’origine animale (chauve-souris, pangolin ?), mais l’opacité du régime chinois limite les possibilités d’enquête.
—Avez-vous des réponses à des questions qui n’auraient pas été posées ?
— Non (rires).
Propos recueillis par Jean Malbot
Les malades gravement atteints, souvent des personnes non vaccinées sont traitées en réanimation