Quand les corps s'y lancent
Comment faire la fête sans nuire à l'environnement? Un concept original, danser sans bruit, ouvre des perspectives
La première fête silencieuse, Silent Party, a eu lieu le samedi 16 octobre 2021 à la promenade Sainte-Catherine à Bordeaux, de 21 h 30 à minuit. Quelques 500 personnes, plutôt jeunes, s'y étaient données rendez-vous. Tout le monde se trémoussait, se dandinait et dansait en silence.
Une bulle
Une Silent Party, c'est une soirée gratuite où chaque personne porte un casque Bluetooth* connecté à une table de synthétiseurs, autour de laquelle trois disc-jockeys (DJ) mixent simultanément trois pistes différentes. Chaque casque est muni d'une batterie qui lui confère une autonomie de sept heures. Le casque est relié directement aux platines. Un bouton intégré permet de se connecter sur la piste de son choix. Une lumière change de couleur en fonction du DJ que l'on choisit d'écouter.
« Chacun est dans sa bulle » nous confie Paula, jeune trentenaire bordelaise qui a testé le concept mais les participants ont tendance à se regrouper, à se rapprocher en fonction des lumières des casques qui indiquent la musique qu'ils écoutent. Ici les rouges se retrouvent, plus loin ce sont les bleues, puis, au fond les vertes ; preuve qu'autour d'un même programme, le collectif reprend le dessus. Chacun se laisse porter par la musique de son choix. C'est une expérience plutôt ludique au cours de laquelle les interactions sont nombreuses : corps en mouvement, gestuelles étudiées, ébauches chorégraphiques.
Accord perdu
« Tu peux proposer comme lieu de divertissement, une place, un square, une terrasse en plein air, confirme Paula. Seule contrainte, une alimentation électrique. Plus besoin d'espace privé (dancing) pour t'exprimer, tu peux occuper l'espace public, avec autorisation bien entendu. Danser sans bruit ? Cette acception est très relative. Casque vissé sur la tête, les participants chantent, faux ou dans le ton, de toute façon ils ne s'entendent pas ».
Ce constat vient un peu contredire l'idée originelle de la danse en silence. Mais, gros avantage, finies les nuisances sonores de fêtards bruyants, les tapages nocturnes.
« La différence avec une scène de dancing, c'est que là, tu vas vers le son, tu veux du disco, tu te branches disco, tu veux du funk, tu te branches funk, etc. La musique, tu la maitrises, tu la commandes, tu vas la chercher, tu t'arrêtes quand tu veux. « Dans un dancing, poursuit-elle, la musique, le son, le bruit sont déjà là, tu te noies dans cet environnement, tu es englouti, tu le subis. Tu es dépendant, envahi, submergé. Si tu veux parler à quelqu'un, tu sors. Dans une Silent Party, si tu veux parler, tu enlèves ton casque ou tu te déconnectes, c'est tout »
Saturday night
Ce phénomène est apparu pour la première fois au grand festival de Glastonbury en Angleterre, en 1994. Il s'agissait de prolonger la fête au-delà du couvre-feu sonore imposé par la loi. « Il arrive à Bordeaux vingt-sept années plus tard » ironise Paula qui a expérimenté Silent Party, à Sidney en Australie, il y a une dizaine d'années.
La finalité est toujours la même : danser, faire la fête, s'éclater, mais chuchoter à l'oreille de son ou sa partenaire relève de l'exploit.
Jean-louis Deysson
*Bluetooth : outil de communication sans fil permettant l'échange de données numériques.
Silent Party est souvent associée à la notion de Silent Disco. Le disco est une musique entrainante spécialement composée pour danser. C'est une musique directe, une musique de danse qui privilégie le rythme et l'orchestration. Le disco puise ses racines dans la musique noire, face à la mouvance rock et punk. C'est l'opposé des rave party où l'accent est mis sur la puissance des décibels, être ensemble, s'étourdir dans une musique techno créée et diffusée par des machines électroniques.