L'écoute est un don

Pourquoi et comment Jeanine est devenue bénévole puis présidente d'une association de visite aux malades hospitalisés, la VMEH 33*.

 

propos recueillis par Claudine Bonnetaud

Le sourire de Jeanine, déjà un réconfort
Le sourire de Jeanine, déjà un réconfort

Se rendre chaque mardi après-midi à la clinique Bel-Air à Bordeaux, au chevet de malades et fédérer près de 200 bénévoles, ce n'est pas une promenade de santé, mais Jeanine a fait ce choix, de grand cœur. L'Observatoire l'a rencontrée.

 

— L'Observatoire. Après votre carrière de violoniste à l'ONBA, qu'est-ce qui vous a amenée au bénévolat ?

— Jeanine. J'ai été élevée dans une famille ouverte aux autres où l'entraide et le dévouement étaient naturels. C'était une évidence pour moi qu'à la retraite, je ferais de mon temps quelque chose d'utile et de désintéressé.

— Pourquoi avoir choisi cette forme d'aide si exigeante ?

— Je suis familière de l'univers du soin. Ma mère était infirmière à la Croix-Rouge pendant la guerre puis en libéral à Châteauroux. Toute mon enfance, j'ai vu les patients venir à la maison, je les accueillais et je participais même chaque soir à la stérilisation du matériel qui n'était pas jetable à l'époque ! J'ai failli devenir infirmière moi aussi mais j'étais incapable de faire des piqûres, même à ma mère qui acceptait de servir de cobaye ! J'ai choisi la musique, mon autre passion, avec sans doute, au fond, une forme de vocation rentrée pour l'aide médicale.

— Quelle a été alors votre démarche ?

— Simple et efficace ! Je me suis rendue au Forum Cap Asso et mon choix s'est tout de suite porté sur la VMEH dont le sérieux, la longévité et le mode d'action me convenaient.

— Et vous vous êtes inscrite ?

— Non, attention, il ne s'agit pas de macramé ou de Pilates ! C'est une vénérable institution créée à Paris en 1801 et à Bordeaux en 1956 ! On ne s'inscrit pas, on passe par une procédure de recrutement assez semblable à un entretien d'embauche face à trois personnes qui vous interrogent sur votre carrière et vos motivations. Ma candidature a été retenue et j'ai eu le choix d'intervenir à l'hôpital, aux urgences, en établissement de rééducation et de convalescence ou en maison de retraite. J'ai décidé d'apporter mon aide à Bordeaux-Nord puis à Bel-Air.

— On ne s'improvise sans doute pas visiteuse de malades, avez-vous reçu une formation ?

— Oui, bien sûr, comme tous les postulants. Il s'agit, en fait de six après-midis de stages passés avec des visiteurs expérimentés, dans l'exercice de leur mission. L'apprenti va, en situation, observer, écouter, apprendre à entrer dans une chambre, à amorcer un dialogue et aussi à tester sa capacité de résistance. À l'issue de ces stages, le candidat est évalué par les formateurs et retenu ou non.

— Quelles sont les épreuves suivantes ?

 

— À ce stade, notre visiteur paie sa cotisation de 18 euros à l'association et signe la Charte d'engagement. Ce faisant, il accepte de consacrer un après-midi par semaine à la visite de personnes malades, âgées, fragilisées ou en situation de handicap, avec assiduité, dans un esprit apolitique et non confessionnel.

Encadré 60 000 visites par an en Gironde

Sur 186 bénévoles, 160 sont des femmes. Suivons l'une d'elles en visite. Elle se présente d'abord au personnel soignant du service qui lui attribue les numéros des chambres où elle se rendra. Munie de son badge et d'un chèche vert, symbole de l'association, elle frappe et se présente. Ce n'est pas facile d'entrer avec naturel et courtoisie dans l'intimité d'un inconnu, affaibli, vulnérable, parfois peu désireux d'échange. Difficile de trouver le ton juste, d'être dans l'empathie mais pas la pitié. De temps en temps, elle est mal reçue « Vous n'êtes pas du diocèse ? » ou « je préfère regarder la télé » mais parfois, d'emblée, ce sont des confidences sur des sujets que le malade n'aborde pas avec ses proches. À sa demande, ses préoccupations pourront être transmises au service ou à la famille via le carnet de visite. De 5 à 30 minutes, la durée de la visite sera à la convenance du patient, du simple bonjour à une conversation chaleureuse, touchante ou même amusante. Cependant, la relation d'écoute n'est pas l'attachement et nécessite de garder une certaine distance pour rester sereine et efficace. 

— Parlez-nous maintenant de votre parcours personnel au sein de la VMEH 33

— Bénévole depuis 2012, j'ai rejoint le pôle recrutement en 2013 puis en 2016, j'ai été élue présidente de la section Gironde à la suite d'une démission. J'avoue que les candidats ne se bousculaient pas pour prendre la place.

J'ai surmonté ma timidité et retroussé mes manches pour gérer près de 200 adhérents, renforcer la cohésion du groupe, développer la formation, la recherche de fonds et la communication. Bien que bénévole, c'est un job à plein temps ! Bien sûr, je m'appuie sur les membres du Bureau et du Conseil d'administration mais j'apprends tous les jours. Je force ma nature réservée et je relève de nouveaux défis, par exemple en ayant de nombreux contacts avec les cadres hospitaliers en tant que représentante des usagers. C'est stimulant et gratifiant, j'y trouve une forme de récompense en me sentant utile.

— Vous épaulez les malades mais que faites-vous pour fortifier vos bénévoles ?

— Je les écoute eux aussi ! Je rencontre les responsables d'équipe de chaque établissement, toutes les six semaines pour des synthèses au plus près du terrain. Nous nous voyons tous lors de l'AG annuelle et également pour un rassemblement plus ludique. J'essaie de leur proposer des formations gratuites mais de bon niveau, par exemple, une initiation à l'accompagnement de la fin de vie et une découverte de la méthode Montessori adaptée aux personnes âgées. Pour cela, il faut des fonds, je passe donc beaucoup de temps à remplir des dossiers de demandes de subventions diverses, par exemple, en ce moment, je sollicite Bordeaux Mécènes Solidaires (BMS).

Je m'efforce aussi de promouvoir ce que nous faisons d'innovant en Gironde, comme l'action des Dormeuses et des Ronfleurs (voir encadré) qui a bénéficié d'un reportage sur France 3, le 3 décembre 2018. Ce reportage a d'ailleurs déclenché une vague de demandes d'adhésions.

— Que pouvons- nous vous souhaiter pour 2019 ?

 

— Nous ne sommes jamais assez nombreux pour répondre à la demande des établissements de soin, alors, je voudrais que la Ronde des Forums à laquelle nous participons fasse éclore des vocations à nous rejoindre durablement et avec enthousiasme car aller à la découverte de l'autre, c'est toujours un enrichissement réVMEH Gironde     05 5648 58 89

Vmeh33@orange.fr

                      95 rue Ernest Renan                     www.vmeh-33.org

                      33081 Bordeaux Cedex

- ciproque.

 

 

 Emmenés par l'esprit festif de leur responsable Michèle Bas, tous déguisés, ils créent aussi de grands moments de divertissement pour Noël, Rois Mages, Carnaval...

Dormeuses et Ronfleurs

Ils sont 70, hommes et femmes, étudiants, actifs, retraités à porter ce titre au CHU pédiatrique de Pellegrin. Leur nom  précise la spécificité de leur action. Comme le marchand de sable, ils se relaient pour visiter le soir les enfants de quelques mois à 16 ans en moyen ou long séjours. La fin de la journée est souvent une heure critique pour les petits. Les parents sont partis et les équipes soignantes apprécient la présence apaisante de ces visiteurs du soir qui proposent lecture, jeux ou conversation.