Découvertes secrètes
Le salon des rêves passés ( photo P. Deysson)
À Bordeaux, des photographes professionnels et amateurs partagent la passion commune de l’exploration de lieux abandonnés
L’Exploration urbaine ou Urban exploration, Urbex, consiste à visiter des lieux construits et abandonnés par l'homme. C'est regarder un endroit commun (hôpital, usine, hangar, château) avec un nouveau regard. Cette pratique se développe intensément à partir des années 1980.
Pourquoi cette pratique ?
Quel photographe amateur n'a pas eu un jour l'envie et le plaisir de devenir explorateur, découvreur de sites insolites ? La pratique de l'Urbex permet d'allier la découverte de lieux abandonnés, désertés par la vie, et la capture d'images singulières. Photos qui témoignent de la présence d'une vie antérieure et d'une suspension du temps. Ce temps arrêté, à cause d'une cessation d'activité, d'une restructuration, d'une succession, ouvre un monde inconnu. La photo actualise l'objet, le fixe et en même temps lui redonne vie.
Le risque
Pour pratiquer l'Urbex, Manu Palmann (photographe professionnel) et Pauline D (photographe et blogueuse) nous livrent quelques conseils :
« Il vaut mieux avoir en sa possession une lampe torche, une trousse premiers secours, un téléphone portable...chargé mais sur mode vibreur, de bonnes chaussures. La discrétion est de rigueur.
C'est une pratique à risques, ne jamais visiter un lieu seul, toujours être accompagné, se déplacer toujours en marche avant, ne jamais reculer : un plancher peut vite s'écrouler ».
« Quelquefois ça peut saigner, si ça ne saigne pas, c'est pas de l'Urbex ! » nous confie Manu.
Les prises de vues peuvent s'accompagner de prises de notes descriptives, de commentaires sur les lieux, les objets, l'environnement, l'ambiance. Il y a chez les amateurs d'Urbex une culture du secret partagé, une confidentialité des lieux, une communication volontairement en interne afin de préserver les lieux d'exploration.
Le respect
Cette pratique est-elle illégale ? Les bâtiments abandonnés sont des propriétés privées. En l'absence de panneau interdisant l'accès, les poursuites et sanctions seraient vaines à moins d'y avoir commis des dégradations ou des vols.
Comme toutes les activités, l’exploration comporte des règles qu’il est très important de respecter. Ne pas forcer l'entrée des bâtiments, ne rien prendre ou laisser sur place, ne pas abîmer ou détruire le lieu et refermer derrière soi.
Ces règles doivent aider à conserver le site dans son état actuel. La dégradation des lieux d’exploration est aussi l’une des raisons pour laquelle très peu de ces explorateurs de ruines partagent les emplacements de leurs découvertes.
« Ainsi par exemple, l'hôpital que j'ai visité était squatté et complétement dégradé. Un reportage avait été tourné sur cet hôpital un an auparavant. Dévoiler ce lieu l'a ouvert aux dégradations », nous confie Pauline.
Il n'en reste pas moins que l'adrénaline est au rendez-vous, par crainte d'être surpris ou de surprendre lors de rencontres improbables de squatteurs, de clochards mais aussi par crainte d'être accusé de déplacement d'objets, de vol, de vandalisme.
De l'Urbex au Rurex
L'intérêt de l'Urbex c'est de découvrir par soi-même des lieux, ce qui dans l'espace urbain est de plus en plus difficile : on détruit et on reconstruit les bâtiments ou on mure les ouvertures. Les sites sont déjà répertoriés donc fragilisés. Par contre à la campagne, il reste des sites à découvrir. Leur repérage se fait à partir de signes : des tuiles qui tombent, des jardins abandonnés, des carreaux de fenêtres cassés. « La nature reprend le dessus : toitures qui se végétalisent, herbes folles envahissantes, moisissures, courants d'air ». « C'est le passage de l'Urbex au Rurex » conclut Manu, dont le futur professionnel s'oriente vers le light painting : photo en pose longue pour créer un tableau dans l'espace en utilisant diverses sources lumineuses. Et comme dans la pratique de l'Urbex, pour sortir les photographes de leur zone de confort.
Jean-Louis Deysson
Photos de P. Deysson