De Moscou à Bordeaux

Secrétariat et comptabilité occupent pleinement les journées de Tatiana ( R. Peuron)
Secrétariat et comptabilité occupent pleinement les journées de Tatiana ( R. Peuron)

Venue de Moscou, elle a dominé de nombreuses difficultés avant d’apprécier sa vie bordelaise.

 

 

 

Tatiana, une femme jeune, blonde, souriante, avenante, un léger accent slave, assure le secrétariat et la comptabilité de l’association La Mémoire de Bordeaux Métropole. Rien d’étonnant, sinon peut-être qu’elle est Russe ! Alors qu’on lui demandait : « Comment une Russe a-t-elle fait pour venir jusqu’à la Mémoire ? », elle répondit : « Comme tout le monde, en prenant l’avion depuis Moscou jusqu’à Bordeaux. » Pressentant que les choses n’ont sans doute pas été si simples L’Observatoire l’a rencontrée.

 

 

 

Solide formation

 

Elle est née en Moldavie, à Tiraspole, du temps de l’Union soviétique, où son père, officier, est alors en poste. Elle vivra au gré des affectations de ce dernier en Ukraine, en Allemagne de l’est, au Kazakhstan. Elle fait toute sa scolarité dans des écoles russes avec peu de contacts avec les jeunes du pays. Bien qu’ayant vécue plusieurs années en Ukraine, elle ne connaît que quelques bribes de sa langue. Après son bac, elle est admise à l’Institut des langues étrangères à Alma-Alta, l’ancienne capitale du Kazakhstan. Cinq années plus tard, elle obtient un diplôme de professeure en anglais et en français.

 

L’enseignement ne lui convient pas, aussi se lance-t-elle dans l’interprétariat anglais. « La première fois pour la mairie de Taldy-Kurgan proche de la Chine. J’ai travaillé ensuite pour des Américains et des Allemands venus faire des affaires. »

 

À la chute de l’URSS, le Kazakhstan oblige les Russes présents sur son sol à prendre la nationalité du pays. Elle part pour Volvograd puis Moscou où elle travaille pour des Japonais. En parallèle à son travail, elle a mené des études de commerce international et obtenu un diplôme d’économiste. Ce qui lui permet d’intégrer, comme analyste financier, une société internationale WPP.

 

 

 

À Bordeaux

 

C’est lors d’un séminaire à Bruxelles qu’elle rencontre son futur mari, un ingénieur français. Ils se marient en 2008 sur l’Île d’Oléron où ils s’installent. Elle bénéficie d’un emploi saisonnier à l’Office de tourisme de Boyardville. « Fort-Boyard, je connaissais déjà pour l’avoir découvert à la télévision russe qui diffuse une émission semblable à celle que l’on voit en France. » N’ayant que peu pratiqué le français depuis sa formation, avec son mari ils parlent anglais. Elle profite de cours proposés par Pôle emploi au profit d’étrangers et grâce au soutien efficace d’une ancienne professeure de français, elle récupère un très bon niveau.

 

Sa fille naît en 2011. Après son divorce en 2014, elle s’installe à Bordeaux. « Je suis seule avec ma fille, je ne connais personne, je n’ai pas d’emploi, j’occupe une chambre chez un couple qui m’aide dans mes démarches qui ne sont jamais simples, il faut dire que je réunis plusieurs handicaps : étrangère, mère célibataire et pour couronner le tout ma fille est atteinte d’une leucémie en mars 2014. » Malgré ce drame, elle doit trouver du travail. Elle fait appel à sa mère qui la relaie auprès de l’enfant à l’hôpital. « Un jour, j’ai répondu à une annonce diffusée par Pôle emploi, une association recherchait une secrétaire comptable, nous étions plusieurs candidates. Ma formation d’économiste et mon expérience m’ont été favorables et j’ai été recrutée par La Mémoire en novembre 2014. »

 

Elle y est immédiatement acceptée, tant par la jeune directrice que par les deux autres employées. « Je leur en suis très reconnaissante, dit-elle, avec un large sourire. »

 

Après un lourd traitement, sa fille est guérie, les choses se normalisent. Par l’intermédiaire de l’église orthodoxe russe de Bègles, elle rencontre plusieurs personnes dont certaines deviendront des amies. 

 

Bien sûr, son pays lui manque : « j’y retourne de temps en temps. Ma mère, ma sœur et mes amies russes viennent me rendre visite. Comme tous les ans, au moment des fêtes de fin d’année, je vais regretter la joyeuse animation des rues moscovites »

 

Retournera-t-elle un jour en Russie ? Certainement pas pour le moment, sa fille est seulement Française et son papa s’oppose à sa naturalisation. À 14 ans, l’enfant pourra demander la nationalité russe, la question se posera à nouveau. Tatiana, qui se plaît à Bordeaux et qui a emploi qui lui convient, ne songe pas pour le moment à prendre un billet Bordeaux Moscou, mais qu’en sera-t-il dans quelques années ?

 

 

 

Roger Peuron