Des Sénégalais à Bordeaux
Quand la musique aide à l’intégration.
Ils sont quelques dizaines à être arrivés à Bordeaux en plusieurs vagues successives depuis une trentaine d'années. Sénégalais de Dakar, Saint-Louis ou Ziguinchor, ils se sont retrouvés et regroupés autour d'une passion commune pour la musique.
Un voyage long et laborieux.
Les difficultés d'un voyage qui, pour certains, a duré plusieurs mois, ont forgé les caractères et les amitiés durables de ces déracinés. Si certains ont pu passer directement de l’Afrique à l’Europe par avion, beaucoup ont dû attendre même plusieurs années pour atteindre leur destination. Le cas d’Abdou, un Sénégalais croisé à Saint-Michel dont le périple à travers l’Afrique a duré sept ans, est significatif. Parti de Casamance en 1972, sa migration, ponctuée de petits boulots itinérants pour trouver de quoi subsister jusqu'à la prochaine étape, a duré jusqu’en 1979. C’est après sept années d’un voyage difficile qu’il a réussi à réunir la somme nécessaire à la poursuite de son voyage. Pour bon nombre d’autres, c’est la traversée de la Méditerranée puis de l'Europe, souvent des détours par l'Italie, la Hongrie ou l'Allemagne.
L’accueil à Bordeaux.
Des conditions de vie difficiles, autant sur le plan des libertés publiques que sur celui du quotidien et ses réalités sociales souvent peu enviables. Santé fragilisée, situations de logement précaires, promiscuité dans les grands centres d’hébergement etc. Mais aucun n’est laissé en arrière. Pour subsister, une importante solidarité s’est installée entre les anciens et les nouveaux arrivants. L’hébergement se passe bien en général mais il est impératif de trouver des petits boulots pour vivre au quotidien. Une forte communauté Peule, bien implantée à Bordeaux, leur permet de se regrouper très vite. Ils sont pris en charge dès leur arrivée pour trouver un travail difficile à dénicher pour des sans-papiers. Parfois, de l’intérim déclaré, parfois des chantiers ou des restaurants qui leurs versent des petits salaires en espèces. Exister au sein de leur communauté est un premier but rapidement atteint mais cela n’est pas suffisant. Il faut très vite obtenir des papiers pour rester dans les critères imposés par l’administration et trouver un vrai travail pour avoir une existence au sein de la société. Le rêve légitime et mythique d’un eldorado européen est toujours présent pour un grand nombre de ressortissants étrangers. Ce qui contribue grandement à l’exode de ces populations défavorisées.
Intégration par la musique
Peu de connaissances musicales pour certains. Pas de solfège, donc pas de partitions. Il faut bien se débrouiller comme on peut. Quand une soirée est organisée par une association d’entraide chacun donne ce qu’il peut. Des chants traditionnels, des danses aux sons d’instruments de fortune construits selon les souvenirs qui restent des anciens et ainsi les fins de semaines connaissent des nuits animées ou pour un temps on oublie les difficultés du voyage. Leurs instruments sont améliorés par les anciens et ainsi avec un travail soutenu, leur connaissance de la musique grandit. Ils vont jouer avec des musiciens avertis sans complexe. Ils y trouvent toujours les réponses à tant de questions en attente. Nous avons rencontré à Bordeaux quelques adeptes des coutumes musicales regroupés dans diverses associations d'entraide aux réfugiés. Ils sont organisés au sein de groupes traditionnels qui leur rappellent le pays.
Ainsi, de soirées entre amis en festivals, les plus doués ou plus motivés trouvent là un moyen utile et agréable pour s’intégrer dans cette grande ville qui a souvent du mal à les comprendre. Au fil des semaines et des mois, de bars en restaurants, ils sont tous les soirs dehors avec leur enthousiasme indéfectible pour la musique. Peu à peu, contre quelques pièces au début, la maitrise sans cesse affirmée de leur nouvelle activité les conduit à donner des spectacles dans des lieux bien chaleureux ou un public vient pour eux.
Alain Dugarcein