La maison du marin
Un lieu de rencontre au bord du fleuve
Propos recueillis par Jean Malbot
Pour ceux qui ont l'esprit mal placé, l’idée d’un lieu de rencontre sur les quais peut évoquer la littérature et le cinéma (Quai des brumes, Sur les quais...) naturaliste un peu canaille du siècle dernier avec son folklore et ses maisons de tolérance.
Mais un port, c’est aussi un lieu où se croisent de multiples nationalités qui, chacune, apporte sa singularité. C’est la porte ouverte sur l’imaginaire et sur le monde.
La « Maison du marin » dont il est ici question est située sur la zone du Port autonome de Bordeaux à Bassens, dans un
cadre un peu austère. Là, sont accueillis des gens de mer en transit travaillant essentiellement dans la marine marchande
L'observatoire a visité les lieux sous la houlette de son président Guy Bardin.
Le bâtiment lui-même n'a pas été créé par un designer : c'est un vaste parallélépipède de couleur verdâtre avec entrepôts et grues en toile de fond. Pas particulièrement affriolant mais dès la porte franchie, tout change. Est-ce la couleur bois clair des enduits, l'accueil ? Il se dégage de ce lieu une ambiance chaleureuse. Le local est moderne, bien équipé : une vaste salle commune avec bar, une salle de repos avec quelques lits, sanitaires et bureaux.
— L'observatoire : Guy Bardin, vous êtes le gestionnaire de la Maison du marin. Quel est votre parcours ?
— Guy Bardin : j'ai effectué toute ma carrière au Port autonome de Bordeaux où j'ai occupé diverses fonctions. En particulier, j'ai eu la charge de la communication pendant plusieurs années ce qui m'a permis entre autres de nouer des relations au Département, à la ville de Bordeaux et à la Région. Très utile pour la réalisation du projet de la Maison du marin.
— Qui a créé cette structure et quelles étaient les motivations de ses promoteurs ?
— La création d'une structure d'accueil (visite sur les bateaux par exemple) remonte à 2011 mais la construction du local à 2017. Trois personnes sont à l'origine de ce foyer : Jean-Michel Degorce, prêtre des marins, Jean-Luc Flipo, animateur social et moi-même. J'en suis le président depuis 2013. L'association compte 134 membres dont environ 25 actifs. Le but est d'offrir aux marins un lieu de rencontre, de détente et d’échange et de les aider dans leur vie pratique lors des escales. En effet, la vie sur les bateaux n'est pas toujours facile. Le travail, le confinement, l'ennui et surtout l'éloignement par rapport à leur famille sont parfois pesants
— Combien de personnes accueillez-vous chaque année ?
— Entre 2 000 et 2 500, sachant qu'environ 500 navires transitent chaque année sur les divers sites du Port autonome de Bordeaux, à savoir Bordeaux, Bassens, Ambès, Grattequina, Blaye, Pauillac et Le Verdon.
— Quels services proposez-vous dans le foyer ?
— Les marins ont la possibilité d’acheter quelques plats tout prêts tels que pizza..., mais il n’y a pas de véritable restauration. Nous servons de la bière (seule boisson alcoolisée mais très appréciée !) et du café. Pas d'hébergement non plus, les marins restant logés sur leur bateau, mais ils ont la possibilité de se reposer (lits dans la salle de repos), et c'est sans doute le plus important, nous mettons à leur disposition des jeux de société, des cartes, des jeux d'échec, du baby-foot, du ping-pong, des jeux de dames..., tout cela crée (sauf pour les mauvais joueurs !) un climat de convivialité qui semble très apprécié.
Nous offrons aussi le WI-FI gratuit, des cartes SIM et nous proposons notre aide pour les démarches administratives.
Enfin nous avons un véhicule utilitaire qui permet un transport aisé par exemple en cas de maladie. En somme nous essayons de créer un substitut provisoire à la famille.
— Comment est financé ce foyer ?
— Le syndicat international des marins a financé à hauteur de 60% l’investissement de départ. Le département, la région et la CUB (aujourd’hui, Bordeaux Métropole) apportant le complément.
Aujourd'hui le financement est assuré par une frange des droits de port et des dons divers. Je précise qu'à l'exception de deux employées à mi-temps s'occupant surtout de secrétariat, tous les membres actifs sont bénévoles.
— Vous accueillez de nombreuses nationalités dont la plupart ne parle pas français. Est-ce un problème ?
— La plupart des accueillants se débrouillent plus ou moins bien en anglais et /ou en espagnol (nous voyons beaucoup de marins philippins). Les deux secrétaires à temps partiel parlent, elles, parfaitement l'anglais, c'est une condition à leur embauche. Et quand, décidément (c'est rare) la langue est très hermétique, le sourire, la bonne humeur et la débrouillardise ont toujours permis l'échange.
En conclusion, on peut dire que cette maison du marin est un microcosme paisible dans un monde qui ne l'est pas.
Et au total, nous avons la faiblesse de penser que nous apportons quelque chose à ces marins, sur le plan matériel sans doute, mais surtout sur le plan de l’échange et si j’ose les grands mots, de la fraternité.
En nous raccompagnant, notre interlocuteur nous confie : « Tout en ne quittant pas ces lieux, j’ai l’impression de faire tous les jours le tour du monde ».
encadré :
Il existe 27 foyers de ce type en France. L'accès n'est pas libre, il faut une accréditation du Port autonome pour le visiter. Outre des marins, on peut y rencontrer aussi des employés du port.