De la contrainte à la liberté
Souvent femme varie ! Les formes de leurs vêtements aussi !
Les robes des femmes se métamorphosent de 1900 à 1925. Le corset, longtemps utilisé au cours des siècles, pour modeler la silhouette, est abandonné en 1920. Des évènements historiques y ont participé. Des artistes renommés, témoins de leur siècle, nous ont laissé des œuvres, reflet de ce changement.
Poitrines au balcon
Au cours du XIXe siècle, le port du corset s’est généralisé. Huit mille ouvrières vivent de son commerce. En 1870, un million et demi de pièces sont vendues ; en 1900, l’engouement est tel que six millions sont achetées.
En 1901, une affiche publicitaire pour le corset « Le furet » de Cappiello Léoneto nous renseigne sur le produit. On y lit : « Hygiène, élégance, donne la souplesse de l’orientale avec la grâce française. »
Ce nouveau corset permet de porter les robes proches du corps. Cette mode s’internationalise, une mondaine de San Francisco dira dans un salon à la mode : « Rentrer tout sauf le cul et les seins. » Les journaux de mode prônent la forme de la silhouette en S ; les hanches et les fesses sont projetées en arrière et la poitrine « pigeonnante »
Alfons Mucha (1860-1939) artiste d’origine morave, remporte ses plus grands succès à Paris. Son œuvre traduit la joie de vivre au moment de la transition entre les deux siècles : c’est La belle époque, celle de l’Art nouveau d’inspiration orientaliste. Il accède à la célébrité avec sa première affiche lithographique pour Sarah Bernhard et son théâtre de la Renaissance. Une composition met en scène des femmes lors d’une soirée mondaine animée. Les robes virevoltent, les tailles sont fines, les poitrines au balcon. Il émane de cette affiche un mode de vie joyeux et insouciant d’une classe sociale parisienne, à l’abri du besoin. Le reste de la population va chez la couturière, le prêt à porter n’existe pas encore
Nouveaux codes
En 1920, la société française connaît une mutation. L’épreuve de la guerre, la féminisation des métiers en l’absence des hommes sont autant de facteurs à l’origine d’une révolution culturelle et sociale. La mode de ces années en est une illustration. Certains y voient « le krach de la beauté » Émile Zola accuse « L'idée de la beauté varie, vous la mettez dans la stérilité de la femme aux formes longues et frêles, aux flancs rétrécis. » Les mannequins de la revue Vogue donnent l’impression d’avoir grandi si bien qu’un nouveau canon de la mode voit le jour. La silhouette en forme de I efface les formes. Un aplatisseur de sein est inventé par Hermine Cadolle. Les robes sont plus courtes, la taille n’est plus soulignée, les formes sont géométriques. En 1925 les robes découvrent les genoux, effacent les courbes du corps féminin qui ont enchanté le siècle précédent. Mais point d’austérité, nous sommes dans la période des Années folles et du mouvement Art déco. Cette mode est réservée à une élite. L'artiste Tamara de Lempicka (1898-1980) va illustrer, dans ses œuvres peintes, tout ce que ces années d’après-guerre rassemblent en termes de mode, de mœurs et de libération de la femme. Un magazine de mode allemand lui commande sa couverture. L’artiste fait son auto portrait Tamara in green Bugatti 1925. Les nouveaux codes y sont réunis : l’indépendance de la femme, la coupe de cheveux à la garçonne, le regard charbonneux et provocateur. Autre tableau La femme à la robe verte, elle est blonde, elle porte un chapeau et des gants blancs. Le regard est interrogateur, la bouche pulpeuse, la robe à volants drape le corps. Son œuvre traduit une époque de luxe et de facilité pour les riches dont l’artiste fait partie.
Point de retour en arrière, depuis cent ans la robe des femmes met à l'honneur le corps libéré d’une contrainte qui a longtemps symbolisé un assujettissement, pas toujours désiré.
Pour Gabrielle Chanel : « Il n’y a pas d’autre beauté que la liberté du corps. » Ajoutons « et de l’esprit ».
Danièle Gardes