Chawanangwa au Malawi
Notre lieu de baignade ( photo P. Burlaud)
Après trois jours, deux nuits, quatre avions et deux heures de piste, j’atterris en pleine brousse au bord du grand lac de ce petit pays (1/5 de la France).
En 1971, j’accompagne mon prof d’histoire-géo préféré en coopération, destination : le Malawi. C’est quoi ce nom ? Une religion ? me demande un vendeur de chez Gilbert où je cherchais de la documentation. L’indépendance récente n’avait pas encore mis les atlas à jour : ce petit pays était perdu dans le grand Nyassaland. Aujourd’hui Madonna l’a fait connaitre !
Du rêve à la réalité.
Née « au cul des charolais », dans le Bourbonnais, j’ai eu une enfance préservée et heureuse où le long écoulement des jours était propice à la rêverie. Je faisais vivre ma famille dans un monde imaginaire. Un certain Claude m’apportait des animaux sauvages… Aujourd’hui, on m’aurait sans doute amenée en consultation chez un psy… Ma vieille institutrice m’a rappelée un jour que je ne parlais que de l’Afrique !
Le départ arrive, je quitte le berceau familial et le continent. Pour la première fois je vois mon père, force de la nature, pleurer en me tendant un louis d’or :
« Il ne m’a jamais quitté durant la guerre, j’en suis revenu, garde le, il te protégera, tu reviendras ! »
Un long périple.
Nous partons pour deux années au bout du monde ! Nos mères accompagnent les enfants prodiges… Dans la voiture, le silence et les reniflements expriment leur peine. Cette situation pénible ne prit fin que lorsque nous fûmes installés dans l’avion. Nous étions heureux, la famille n’avait pas réussi à gâcher notre enthousiasme ! Quel égoïsme !
Paris - Le Caire, changement d’avion. À la nuit tombante, nous arrivons en Tanzanie. Première rencontre avec l’Afrique. En descendant de la passerelle, nous suffoquons. Naïvement, je pense à la chaleur des réacteurs… Il s’agissait de l’air ambiant. Cela laissait présumer de la température qu’il ferait quand le soleil serait au zénith. On nous conduit à l’hôtel, première rencontre avec les cafards qui tapissent la douche. Les internationaux aseptisés n’avaient pas encore colonisé cette partie du monde. Après une nuit agitée, nous regagnons l’aéroport et une compagnie locale pour atterrir cinq heures plus tard à Blantyre où nous sommes reçus comme des rois. Nos démarches administratives réglées, on nous présente au Ministre de l’éducation qui nous avertit des contraintes de ce pays puritain. Défense d’aborder religion, politique et contrôle des naissances. Interdiction pour les femmes de porter le pantalon et de montrer leurs genoux. Qu’importe, j’ai appris à draper un pagne.
Dernière ligne droite.
Le poste qui nous attend est dans le nord, à Nkata Bay, au bord de ce magnifique lac qui recouvre un quart de la superficie du pays. Pour y enseigner le français dans une école secondaire tenue par des religieux marianistes** américains. Après une bonne nuit dans une famille française de diplomates qui influencera notre vie future, nous reprenons notre voyage. Tout d’abord un petit avion nous amène au centre du pays, puis un coucou pour Mzuzu capitale du Nord où nous attendent les responsables de l’école. Abrutie de chaleur, un coca tiède bu au goulot n’apaise pas ma soif. Nous montons dans une Land Rover qui dérape avec agilité sur une piste défoncée. J’apprendrai et aimerai très vite cette conduite, le goudron étant inexistant. Soudain à travers une brousse primaire et luxuriante apparait un ensemble de bâtiments en parpaings recouverts de tôles dans un espace fauché et fleuri. C’est l’école. Une maison nous attend, avec l’eau au robinet mais pas d’électricité. Qu’importe, je vais me familiariser avec le poêle à bois, le fer à braises et les lampes à pétrole !
Ces deux années passionnantes, immergées au milieu de la population locale, partagées avec des religieux, accueillants et ouverts, furent décisives pour notre avenir. L’aventure fut peut-être la naissance de notre fille Francine Chawanangwa, (nom donné par les malawites, qui signifie cadeau).
Dix ans plus tard, nous y sommes retournés pour lui montrer où elle était née, rien n’avait changé… Si, l’école avait un générateur ! On avait tué un lion dans les rues de Mzuzu et des crocodiles dans le lac où nous nagions chaque jour !
Paule Burlaud
* pays situé en Afrique australe voir L’Observatoire n°66
** Société de Marie, ordre religieux ou laïc destiné à l’enseignement, fondé en 1817 à Bordeaux
Francine et Joseph, nés au même moment, se sont retrouvés 10 ans plus tard.(photos de P. Burlaud)