Sur la route et sur la mer
Ils espèrent avoir une nouvelle vie après avoir subi d’épouvantables épreuves. Dures aventures !
Depuis 2015, Médecins Sans Frontières (MSF), dont la logistique est à Mérignac, a démarré des activités de recherche et sauvetage en mer pour venir en aide aux bateaux en détresse et secourir les personnes à bord. Ils interviennent aussi en Lybie pour une assistance médicale aux réfugiés et migrants dans les centres de détention.
L’Observatoire retranscrit quelques témoignages de janvier à février 2018.
D’un enfer à l’autre
Un Érythréen de 27 ans raconte : « J’ai été contraint au service militaire dont la durée est indéterminée. J’ai dû m’entraîner en pleine chaleur pendant dix mois. Je n’étais jamais autorisé à aller voir ma famille, alors une fois, je suis parti sans autorisation. J’ai été jeté en prison. Après cet épisode, tout s’est dégradé. J’ai dû fuir, en quête d’une meilleure vie. » L’Éthiopie et le Soudan accueillent une grande partie des réfugiés érythréens, mais au Soudan, ils risquent d’être renvoyés de force dans leur pays ou bien tentent désespérément de survivre en Éthiopie, sans possibilité de travail.
Une femme érythréenne de 30 ans explique pourquoi elle a dû quitter le pays : « Ils ont renvoyé mon mari à l’armée après la naissance de nos enfants. Nous n’avions pas de revenu. Il s’est enfui [du service militaire] et les responsables gouvernementaux sont venus à la maison le chercher. “Dites-nous où il est ou nous vous plaçons en détention”. S’il ne retournait pas effectuer son service militaire, je devais payer 50 000 nakfas [3 000 euros] ou aller en prison. Je n’avais pas d’argent donc je me suis enfuie. »
À bord du Dignyti 1
Désormais, à bord du Dignity 1, le navire de sauvetage de MSF, les survivants peuvent souffler un instant et témoigner de leurs expériences passées, en attendant de reconstruire leur vie en Europe. Ils ont survécu à l’asservissement, aux enlèvements, aux persécutions, à la pauvreté, et même, dans certains cas, aux agressions sexuelles. Pour eux, le seul espoir se trouve de l’autre côté de la Méditerranée.
Abou Ahmad, 30 ans, est originaire du Soudan. Il était conscient des risques lorsqu’avec sa femme enceinte, Fatima, ils ont pris la décision de faire la traversée. Lui aussi s’est fait kidnapper deux semaines en Libye et n’a été relâché qu’une fois la rançon versée par sa famille.
Pierre, seize ans, est originaire de la République démocratique du Congo. Il a fait la traversée seul. Malgré son jeune âge, il s’exprime clairement et est très débrouillard. Lors du voyage entre la zone de recherche et de sauvetage et l’Italie, il s’est interposé pendant une bagarre entre deux groupes de jeunes hommes et a contribué à apaiser la situation à bord.
Une nouvelle vie
Zeinab, 25 ans, est originaire de Somalie. Elle utilise le mot « purgatoire » pour décrire son périple. « J’ai du talent. Je souhaite étudier et trouver un bon emploi. Je ne veux pas me contenter d’être la femme de quelqu’un. Je veux aller en Europe car les femmes y sont respectées, contrairement à la Somalie où elles n’ont aucune opportunité. Une famille libyenne m’a achetée et forcée à nettoyer sa maison en échange de nourriture et d’un endroit où dormir par terre. Je n’étais bien sûr pas payée. Et encore, j’ai eu de la chance d’être achetée par une famille, mon amie achetée par un célibataire a été violée. Au bout de deux mois, cette famille a financé ma libération en donnant de l’argent au passeur pour que je puisse partir. »
Amenés en Italie, ils seront pris en charge par des ONG comme Médecins du Monde.
Camp de réfugiés syriens au Liban (photo Joseph Eid Afp)
Déplacements
Au nord de la Syrie, les bombardements et les combats encore plus intenses ont poussé les populations à se déplacer à nouveau.
Abou Mustapha raconte à un soignant de l’équipe MSF : « J’ai fui mon village avec ma femme, mes six fils et vingt autres familles. Nous sommes arrivés à Sarmada, près de la frontière turque. Pour nous loger, on nous a proposé de nous louer un lopin de terre pour 450 000 livres syriennes. Il a été très difficile de réunir cet argent. Nous avons ensuite construit notre tente avec des piliers en fer recouverts de couvertures et de sacs plastiques. Il fait très froid. La plupart d’entre nous sommes déjà malades à cause du froid et des difficultés rencontrées au cours du voyage. »
Leurs aventures ne sont hélas pas terminées. Ils devront encore patienter plusieurs mois pour obtenir le droit d’asile dans un pays européen.
Pierrette Guillot
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