Une cuisine mobile
La Banque alimentaire distribue des produits alimentaires mais elle initie également les personnes précaires à la cuisine : un plus particulièrement utile en hiver.
L’Observatoire est allé à la rencontre de Céline et de Laure, conseillères en économie sociale et familiale à la Banque alimentaire, les chevilles ouvrières d’un projet baptisé « cuisine mobile ». De quoi s’agit-il ?
Un constat : gaspillage et solitude
Depuis trente ans la Banque alimentaire organise la distribution de produits frais et secs aux associations qui viennent en aide aux personnes en grande précarité. Elle a remarqué que les associations ont tendance à refuser certains produits car leurs bénéficiaires ne les prennent pas par méconnaissance des produits et de la façon de les cuisiner notamment les légumes d’hiver comme les blettes, endives… Leur précarité financière ne les prédispose pas à acheter des légumes frais de saison.
Autre problème identifié, certainement le plus important, ce sont souvent des personnes isolées qui ont perdu le goût de cuisiner (jeunes mères isolées, de plus en plus de personnes âgées, des étrangers) et le sentiment de gêne lors la distribution des paniers n’est pas un moment où les gens ont envie d’échanger.
Cuisine mobile
Après deux ans de réflexion, la Banque alimentaire a répondu à un appel à projet du programme national nutrition et santé de l’ARS (Agence régionale de la santé) et proposé son idée de cuisine mobile, idée qui a été retenue. Les financements ont autorisé sa mise en place et depuis treize ans son camion sillonne le département y compris dans la Métropole afin d’expliquer aux bénéficiaires comment cuisiner les produits qu’ils reçoivent.
Et depuis deux ans, des ateliers sont mis en place quasiment tous les jours aux quatre coins de la Gironde. Le bilan 2005-2017 fait état de 1 944 sessions auprès de 119 associations regroupant plus de 10 000 participants dont 80 % de femmes.
Organisation des sessions
En accord avec les associations locales, un calendrier d’intervention est établi afin de pouvoir prévenir les participants (cinq à six personnes maximum) et comme c’est souvent le cas en milieu rural, d’organiser leur transport vers le lieu de la manifestation. La session se déroule toujours en dehors des créneaux de distribution des paniers, car d’une part, les associations n’ont souvent pas de locaux suffisamment grands pour organiser simultanément les deux activités, et d’autre part, le sentiment de gêne de la part des bénéficiaires est tel qu’il est très difficile d’entamer un dialogue et de créer un lien social.
Les groupes ne sont pas figés dans leur composition. Il est nécessaire de s’assurer d’un renouvellement des personnes pour éviter que celui-ci ne se sclérose.
C’est l’intervenante qui choisit des produits en majorité de saison parmi ceux qui sont disponibles à la Banque alimentaire et qui élabore le menu : entrée, plat et dessert. Dans certain cas, l’association peut proposer l’élaboration d’un plat particulier, à charge pour elle de fournir les produits manquants. L’atelier se déroule généralement de 10 à 14 heures. Le repas est pris en commun par l’ensemble des personnes qui l’ont réalisé.
Le lien social
Faire la cuisine est le prétexte qui permet de rassembler des personnes en leur offrant un lieu de discussion et d’échanges afin de les aider à retisser un lien social. Éplucher les légumes, cuisiner, faire la vaisselle ensemble changent le regard des uns envers les autres. Il n’y a plus de jugement à l’emporte-pièce. Il est plus difficile de prolonger ces relations en milieu rural. En revanche dans la Métropole, des participants établissent des contacts et des relations en dehors de l’atelier cuisine. Des associations ont su générer des activités connexes pour développer ce lien. D’autres ont profité de ces expériences pour s’émanciper. Elles ont créé leur propre atelier et continuent d’œuvrer pour une meilleure socialisation des publics en difficulté.
N’oublions pas que tout ceci n’est possible que grâce à la mobilisation sans faille des bénévoles de toutes les associations impliquées dans ce projet.
Bernard Diot
Atelier en pleine réalisation d'un repas(phot B. Diot)