Éphémère du costume
Photos de P. Deysson
De la fiction à la réalité, les cosplayers donnent vie à leurs personnages préférés
Japan expo à Paris, Festival Animasia, Bordeaux Geek Festival, des milliers de jeunes et des moins jeunes fréquentent ces rassemblements où se distingue une manifestation : le cosplay. Le cosplay standard ou costumade est le fait de reproduire les tenues et accessoires d'un personnage issu d'un jeu vidéo, d'une bande dessinée, d'un film. Mot valise composé des mots anglais costume et play (jouer), il s'imposera au détriment de termes tels que masquerades ou costumades.
À vos ciseaux.
D'emblée, Clément fait visiter son atelier installé dans son F3 de la banlieue bordelaise, près de la rocade. Pour confectionner un costume de cosplay, il faut un modèle, des matériaux, du temps et de la passion. Face à la machine à coudre, au tableau en liège accroché au mur, sont punaisées des photos des personnages à réaliser : guerriers de l'ombre pour Clément, princesses diaphanes pour sa compagne. La pièce est remplie de cartons de tissus variés, hauts en couleur glanés au marché Saint Michel, chez Toto tissus ou Mondial tissu si nécessaire. On ne saurait imaginer porter un costume sans accessoires. Ceux-ci sont confectionnés à partir de tapis de sol et de mousse de chez Décatlhon, découpés, assemblés. Les éléments sont peints d'une sous-couche, lustrés, patinés, puis vernis. Le résultat est impressionnant de réalisme, les jambières réalisées, on dirait vraiment de l'acier. La récupération de matériaux et ustensiles divers, carton rigide, bouchons, étuis, tubes permet la construction des armes et autres objets de science-fiction comme le bâton laser. Les perruques, mauves, jaunes, vertes sont achetées et remodelées, taillées suivant l'usage et le modèle. Dans le dressing, Clément présente la collection des costumes confectionnés. Il ne faut pas moins de 130 h de travail pour un costume qui doit impérativement être fabriqué. Et porté une seule fois !
Une passion
Pour Clément, la passion est née de la rencontre d'un intérêt certain pour les mangas et le visuel d'un cosplay. Celui-ci répond à des règles très strictes : la scénographie, courte (entre une et deux minutes), avec en général un support musical, propose une représentation de postures, gestuelles, styles saisis dans les mangas ou de situations de répliques cultes. En dehors de la scène, les participants sont invités à déambuler dans l'espace de la Convention, avec prises de photos, selfies. Si le costume a été acheté, on n'a que le droit de défiler dans les allées. En dehors des Conventions, dans la sphère privée, des séances photos, pour mise en ligne Internet et diffusion, peuvent être programmées ainsi que des moments entre amis lors de soirées. En général, on ne rencontre pas de cosplayer dans l'espace public par crainte d'être l'objet de moquerie, d'incompréhension.
Apparition
On appelle Convention, ces manifestations. L'origine vient des États-Unis un peu avant la seconde guerre mondiale avec l'apparition des comics, Superman, Batman puis plus tard Spiderman, Hellboy, Hulk, Thor qui ont donné lieu à des représentations de personnages de science-fiction. Plus tard, les séries comme StarTrek, StarWars en facilitèrent la diffusion.
Aujourd'hui, on a tendance à associer cosplay et culture nippone (les mangas) alors que les cosplayers se réfèrent à des personnages issus de films, séries TV, bandes dessinées. La culture nippone est plus mobilisée sur l'image que sur la performance. À ce titre, à Shinjuku, un quartier de Tokyo, on peut en croiser certains qui osent s'exposer dans la rue.
Même si l'approche de l'expression est très individualiste (on est le personnage, on le vit, on se démarque d'autrui...), elle conforte la remarque de Roland Barthes : « Le vêtement est l'un de ces objets de communication... qui représente pour moi une possibilité de connaissance de moi-même. »*
Jean-Louis Deysson
* Le Magazine Littéraire, février 1975