Addiction quand tu nous tiens
Les jeux d’argent peuvent aussi être une drogue dont il est difficile de se défaire...
On parle beaucoup du danger de certains jeux vidéo pratiqués à haute dose. Mais une multitude de jeux d’argent peuvent aussi attirer un joueur et mener ce dernier à l’addiction. L’addiction est d’ailleurs une pathologie, reconnue depuis 2015 par la médecine, comparable à celle aux substances nocives. Les jeux sportifs, vidéo, de cartes (poker...) peuvent donc être dangereux si l’on n’y prend garde.
Spirale infernale
On distingue trois catégories de joueurs :
Les impulsifs : ce sont surtout des hommes, jeunes, qui ont un tempérament fougueux et qui ont le goût du risque
Les émotionnels : ce sont des êtres fragiles, soit intrinsèquement, soit à la suite d’un évènement traumatique, deuil, divorce ou perte d’emploi. Ils peuvent plonger dans la dépression et jouent pour oublier, pour trouver un refuge. Ils cherchent dans le jeu une sorte de compensation irréelle à leurs problèmes.
Les conditionnés : ce sont ceux qui, lorsqu’ils ont commencé à jouer, ont pu gagner une somme importante et pensent que cela peut se reproduire.
Le jeu pratiqué à haute dose n’est donc pas toujours un loisir sans conséquences.
Quand un joueur débute au poker, comme pour n’importe quel jeu, il espère gagner. Il rêve d’ascension sociale. Il recherche l’excitation qui se produit lors de la mise d’argent (c’est aussi une addiction à la mise). Au départ, il s’agit d’un loisir paisible, dans un cercle de joueurs connus ou inconnus dont la fréquence peut être mensuelle. Petit à petit, les réunions sont plus rapprochées et, progressivement, cela devient excessif. C’est la spirale infernale. Les parties s’enchaînent, s’accumulent menant à l’endettement, voire vers des actes illégaux (vols, fraudes, escroqueries). Malgré ces conséquences délétères, certains mordus continuent à jouer. Leur cerveau néglige le gain comme la perte.
Essai clinique
La société doit aussi penser à la protection des enfants, car malheureusement, il y a des parents ou des adultes qui inconsciemment entraînent des jeunes par exemple en leur montrant comment parier sur les champs de courses – ou autres – sans réaliser qu’ils peuvent provoquer un désir d’imitation pour l’avenir. En effet, le cerveau de ces enfants, n’est pas mature. Ils peuvent vouloir faire comme les grands, comme avec la cigarette. Ils pensent qu’ainsi, ils pourront s’intégrer plus facilement dans un groupe. Lors de ces compétitions, ils ressentent l’excitation des joueurs, la fièvre de l’ambiance, le bonheur des gagnants, ils ne voient pas les perdants, ou bien, ils veulent les ignorer. Peut-être, mais rarement, ils les plaignent et les méprisent.
Il existe des prises en charge essentiellement d’ordre psychologique avec des thérapies comportementales et cognitives. Outre au CHU à Nantes et à l’hôpital Marmottan, à Paris, les deux centres qui, les premiers, ont traité l’addiction aux jeux d’argent, les patients peuvent aujourd’hui bénéficier de soins dans chaque région. Le recours aux thérapies douces comme la méditation peut aussi aider. Malheureusement, on estime que seulement 2 % des personnes concernées ont accès à une offre de soins adaptée. C’est encore moins que pour les autres addictions. La banalisation des jeux d’argent et la stigmatisation des joueurs expliquent cette différence. Lorsque les jeux sont banalisés, comme c’est le cas en France aujourd’hui, le risque est minimisé et on va avoir tendance à dire d’un joueur qui a perdu le contrôle que c’est sa faute. Pour pallier ce très faible recours aux soins, il a été mis en place un essai clinique visant à évaluer l’efficacité d’un programme d’aide à distance. Il est constitué de jeux sur ordinateur permettant d’entraîner la fonction “stop” du cerveau et d’un suivi téléphonique par un neuropsychologue. Les résultats sont attendus pour 2022.
Le jeu plaisir
Une question se pose enfin : faut-il mieux réguler la publicité concernant les paris sportifs ?
Comme souvent, les avis diffèrent. Il y a les pour et les contre. Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de l’Autorité nationale des jeux (ANJ) explique : « La publicité permet à l’offre légale de se faire connaître. Les pays qui ont interdit la publicité pour les jeux d’argent font souvent face à plus de problèmes de jeux illégaux ». Un argument que réfute la psychiatre Amandine Luquiens « le principal effet du matraquage publicitaire, ce n’est pas d’orienter ceux qui jouent déjà vers les jeux légaux, c’est de recruter de nouveaux joueurs. Plus il y a de publicité, plus le nombre de joueurs augmente, et donc, le nombre de joueurs à risque. » Et d’autant plus, ajoute-t-elle que « les publicitaires ciblent délibérément les jeunes hommes précaires, un groupe dont on sait qu’il est particulièrement à risque d’addiction ». « Des réflexions sont à mener » reconnaît la président de l’ANJ.
Henri, aujourd’hui retraité se souvient de l’époque où vendeur de meubles dans les années quatre-vingt, il attendait avec impatience l’arrivée de la soirée hebdomadaire, pour retrouver le club privé de joueurs de poker. Heureusement pour sa famille il ne manqua jamais de savoir s’arrêter au bon moment afin de ne pas endetter ses proches. Un exemple qui montre que le jeu peut rester un plaisir.
Arlette Petit