Voyage au plaisir pur
Au début du printemps la nature se pare de beauté.
Les arbres sont les compagnons silencieux de votre passage. Leur stature, s’élançant vers le ciel, leurs racines s’enfonçant dans la terre sans laquelle nous ne serions rien vous questionnent : « Êtes-vous bien ancrés, solides ? Êtes-vous droits ? » En tachant d’y répondre, vous attendez patiemment que l’hiver prenne fin. L’appel des grues vous réveille, au cœur l’envie soudaine que la nature reverdisse.
De tous les arbres utiles à votre vie sur terre, seuls certains ne sont là que pour votre bonheur à les admirer. Les arbres à fleurs que l’on nomme aussi arbres d’ornement offrent à rêver d’une vie douce, harmonieuse, pirouette à nos temps dévastés. Un artiste poète aurait-il été là pour les dessiner, crayonner de gris-pâle les ombres, lustrer leur lumière ? Tous portent avec élégance leur floraison précoce avant l’apparition du feuillage sauf le mimosa et le Magnolia grandiflora.
Le mimosa parait sur la scène le premier. Arbre gracieux au feuillage fin très découpé, il donne une floraison éclatante de petites fleurs très odorantes aux étamines jaune vif. Il appartient au genre Acacia. Au printemps, les collines du midi sont couvertes de mimosas en fleurs et plus près de nous dans les alentours du bassin d’Arcachon.
Puis vient le Prunus Mahaleb ou cerisier de sainte Lucie. Mêlant sa parure au pommier à fleurs, le jardin se régale ! Proche du cerisier par son bois dont il est aussi un porte-greffe, le Prunus Mahaleb se couvre d’une multitude de petites fleurs blanches à cinq pétales au très curieux parfum miellé. Il peut porter une haute ramure. Si vous avez la chance de voir et de sentir cet arbre lorsqu’un vent léger fait voler ses fleurs par centaines, tout-à-coup vous vous retrouvez très loin d’ici, au Japon peut-être ! À ses côtés, son voisin le pommier à fleurs chargé d’inflorescence rose violine semble rayonner de feux vengeurs.
L’arbre de Judée, dont les fleurs se développent directement sur le tronc ou les branches, produit un effet d’autant plus spectaculaire que les corolles d’un lumineux satin rose se détachent plus vivement sur l’écorce graniteuse. Cet arbre tropical est d’origine ancienne. La légende raconte que Judas s’y serait pendu après avoir livré Jésus. Ses fleurs symboliseraient les larmes du Christ et leur couleur pourpre la honte ressentie par Judas. En réalité, c’est en raison de son abondance au Moyen-Orient et en particulier en Israël, ancienne Judée qu’il a reçu son nom.
Mais la merveille reste le cerisier à fleurs qui ne donne pas de fruits mais d’admirables frondaisons compactes fleuries en des tons de vieux rose. Seul le tronc s’élance droit au centre du nuage vaporeux de cette splendeur. Le bassin d’Arcachon, encore lui, accueille l’aérien tamaris aux longs rameaux souples ornés de fleurs roses pâle très petites en épis grêles. Il s’épanouit dans les dunes et se recouvre de minuscules feuilles écailleuses. On raconte que les Hébreux lorsqu’ils quittèrent l’Égypte se nourrirent d’un mucilage* sucré produit par une variété de Tamari Gallica.
N’oublions pas le majestueux Magnolia grandiflora aux énormes fleurs à nombreux pétales blanc crème suavement parfumées. Cet arbre évoque quelque pays au-delà des mers. Originaire d’Amérique du Nord, ses feuilles persistantes sont lisses, vert foncé luisant sur le dessus, brun rouille en dessous. Une autre variété de magnolia, plus petit à feuilles caduques aux fleurs roses ou mauve en forme de tulipe, est à lui seul un ravissement.
Voici venir l’été et sa sarabande de fruits goûteux, de couleurs chaudes.
Les saisons passent, les demi-teintes nous disent adieu, les arbres à fleurs perdent leur charme. Le temps glisse sur nos visages et les êtres aimés ne sont plus là pour nous apprendre à regarder, à sentir, à aimer la beauté de ces arbres mais à chaque printemps, la nostalgie de leur tendresse nous réveille dans leur éphémère floraison. Quel bonheur !
*substance végétale ayant la propriété de gonfler dans l’eau.
Arlette Sarger