Un voyage d'essences
À la découverte d’un jardin qui aurait séduit Charles Trenet même si les canards n’y parlent pas anglais.
À la fin du XXe siècle, le Maire de la commune du Haillan avait imposé à ses administrés de planter deux arbres en remplacement de celui qui serait abattu. Très concernée par ce grave sujet, la propriétaire du jardin que L’observatoire a visité, avait suivi et plus ces instructions. En effet, à l’origine, ce terrain était une vigne fournissant un vin très apprécié de l’appellation des Graves.
Gazouillis
Lorsque nous franchissons le portail, les branches d’un imposant mimosa Le Gaulois nous saluent en dispersant l’envoûtant parfum de ses belles grappes de boutons dorés. À son pied, des buissons, un panaché vert et ivoire, deux autres, décorés de billes rouges, cherchent sa protection contre les rayons solaires des étés devenus caniculaires. Suit un cèdre à la parure vert printemps. Entre ce dernier et un eucalyptus, des photinias d’Australie aux feuilles rouges essaient de se faire une place sans grand succès. Un figuier, quant à lui, ignorant leur problème prend ses aises, décidé à ne pas se laisser faire, mais accepte de bonne grâce la présence d’immenses cupressocyparis (cyprès ?)qui abritent un vieux portique abandonné. Il s’en échappe les gazouillis de moineaux. Un autre figuier, non encore paré de son feuillage, lui fait suite, devant un peuplier sexagénaire qui tente de faire bon voisinage tout en pointant ses vieilles branches, droit vers le ciel.
Désordre artistique
Nous parvenons au fond du jardin où un tapis de violettes sauvages s’étale sans vergogne. Entre deux chênes verts qui s’enlacent, un petit banc tout vermoulu nous invite à la lecture. Une haie de thuyas nous précède vers une tonnelle, décorée de rosiers anciens. C’est encore le printemps le printemps, pas de rose en fleurs mais des boutons prometteurs. Notre regard est attiré par le feu d’artifice que nous offre une immense azalée japonaise, couleur fuchsia. En arrière-plan, on distingue un portillon en fer, verdi par la mousse de l’hiver. Il participe au décor et s’ouvre sur un chemin de terre, ombragé par la présence d’acacias en attente de floraison. Nous reportons à plus tard la découverte de cette voie.
Nous continuons notre promenade et montons vers un passage étroit qui s’ouvre devant nous entre un laurier rose et un imposant kolwitzia amabilis en fleur. Dans un désordre artistique de majestueux et altiers buissons constituent une des limites du lieu. Chacun d’entre eux, d’après notre hôte, fleurit alternativement de façon calculée afin de donner une féerie de couleurs durant tout l’été. Poursuivant notre visite nous parvenons à un semblant de clairière où, sur les côtés, trônent des eucalyptus. À leurs pieds s’épanouissent des pâquerettes, des pervenches, enchantant la fraîche lumière du matin. Ces différentes fleurs portent des noms de princesse, leur seul ADN est la vie. Sur la descente de la colline, une grande cage à oiseaux, blanche, aux formes romantiques dont la porte ouverte a laissé s’éparpiller les volatiles qui l’habitaient. Malgré son air penché, elle semble vouloir soutenir un désespoir des singes, partiellement dépouillé de ses branches où nichent des tourterelles turques. Tout en bas, un magnolia buisson étend sa ramure vers un banc qui recherche l’ombre. Au sommet du poteau, des juniperrus argentés et fournis, dissimulent la pente. Tout près d’eux, un lagerstrœmia disperse sa ramure.
Olivier centenaire
En arc de cercle, à l’ombre de la maison, un massif abrite un robuste camélia, chargé d’une multitude de fleurs roses qui commencent à faner. Lui tient compagnie un érable du Japon au feuillage effilé vert tendre, qui se vante d’accorder son ombre à des iris bleus, des pensées multicolores, des narcisses, des jonquilles et des rhododendrons.
Nous revenons vers le portail d’entrée où une grande haie de lauriers nous dirige vers une des extrémités du parc. Au centre, prend place un eucalyptus altier. À la pointe de sa ramure, un olivier centenaire essaie de donner sans succès un peu d’ombrage. À son côté, une arcade en fer à la teinte rouillée supporte des suspensions fleuries. À chacun de ses pieds, se trouve un rosier qui tarde à trouver sa place et un jasmin d’hiver. Deux albizias encore dénudés lui font face.
À la fin de notre visite, en levant la tête, nous admirons le récent feuillage des chênes qui se dressent de l’autre côté du jardin et nous respirons à pleins poumons l’oxygène qu’ils doivent diffuser. L’observatoire se retire en emportant avec lui le souvenir de couleurs magiques et les senteurs enivrantes de l’oranger du Mexique.
Arlette Petit