Le temps d'avant

Serment des Horace, pendulette Empire-Restauration. Bronze doré à l'or moulu
Serment des Horace, pendulette Empire-Restauration. Bronze doré à l'or moulu

Jean-Louis Duverger et son père: deux générations d'horlogers penduliers (photo de J P Ducournau)

Pendules d’aujourd’hui, pendules d’hier !

 

Rencontre avec Jean-Louis Duverger, horloger-pendulier, restaurateur de pendules et horloges mécaniques à L'horlogerie d'antan[1] qui a reçu le label d'état Entreprise du Patrimoine Vivant, l'excellence des savoir-faire français.

 

Un savoir-faire exigeant

L'œil du passant est attiré par la vitrine où se côtoient pendulettes, mécanismes d'horloges imposants, livres et poèmes sur le temps et les pendules. La porte poussée, vous entrez dans un autre espace-temps.

RJean-Louis Duverger est le dernier horloger-pendulier de Bordeaux. Formé au Lycée Marcel-Dassault à Mérignac il suit un stage de perfectionnement auprès de l'ancien horloger du château de Versailles. En 1984, il reprend l'atelier paternel. Il répare et restaure les pendules du XVIIIe siècle aux années 1960, sans oublier la période révolutionnaire et l'Art-Déco. La restauration nécessite une approche et une technique minutieuses. Il faut démonter, nettoyer les mécanismes, les cadrans et les décors. Dans certains cas il est nécessaire de fabriquer des pièces défectueuses, actuellement introuvables. Puis vient le moment du remontage : vérification du fonctionnement et étalonnage. La restauration va, parfois, au-delà du simple mécanisme d'horlogerie. L’artisan redonne le lustre d'origine en bronze doré à l'or moulu. C'est une technique employée depuis le XVIIIe siècle qui consiste à réduire l'or en poudre et à l'associer à du mercure ou du vif-argent. Cet amalgame chauffé est ensuite appliqué sur le bronze. L'évaporation du mercure permet la fixation de l'or. La dorure par électrolyse, inventée au XIXe siècle évite la propagation des vapeurs toxiques générées par le mercure.

 

Un voyage dans le temps

Dans l’atelier, des dizaines de pendules et d'horloges vous entourent ; des comtoises reconnaissables à leur cabinet en bois, des murales en bois ou en bronze doré, celles de cheminées des XVIIIe et XIXe siècles. L’artisan possède aussi des trésors : une pendule de 1793 indiquant l'heure décimale instituée par la Convention (une journée durait 10 heures et chaque heure 100 minutes), une horloge à foliot à une seule aiguille (le foliot est un balancier horizontal utilisé dans les premières horloges au XIVe siècle). Dans ce décor, c'est une partie de l'Histoire de France qui se revisite. Ici, une pendulette représentant Jean de La Fontaine, le Renard et la Cigogne, côtoie une statuette à la gloire de l'industrie du XIXe. Plus loin, un cupidon montre à Vénus l'horloge qui décompte le temps, face à une pendule de cheminée qui symbolise le Serment des Horace. Jean-Louis Duverger a également une autre mission, unique celle-là. Chaque jeudi il remonte l'horloge de la Grosse Cloche, toujours entièrement mécanique, puis, au Palais Rohan, c’est le tour des trois pendulettes de cheminées dans les salons et de l’horloge murale de la salle du Conseil municipal.

 

Un amoureux du temps.

Lors de notre première rencontre, sensible à notre projet, il a aussitôt cité de mémoire, une phrase de Saint-Augustin : « Qu'est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais ; mais si on me le demande et que je veuille l'expliquer, je ne sais plus ». Dans un angle de la boutique, des dizaines d'ouvrages garnissent des étagères : des livres sur l'histoire du temps, les pendules et horloges, des thèses et des encyclopédies…Quand on lui parle de ses chères pendules, il précise : « Quel moteur, quel système, est capable de fonctionner sans interruption, tous les jours et pendant des années ? » Il faut donc que ces mécanismes soient particulièrement précis et fiables dans la durée. Amoureux du temps et de l'Histoire, il met de la musique de l'époque pour être en harmonie avec la pendule qu'il remonte après restauration. Il prend le temps dont il a besoin. Son travail est une passion et il voyage à chaque restauration.

 

Si vous passez devant la boutique, arrêtez-vous, sonnez et entrez. Comme d'autres avant vous, installez-vous et imprégnez-vous du lieu et du rythme régulier du tic-tac de ces merveilles qui vous entourent

 

Jean-Pierre Ducournau

 

[1] 128, rue d’Ornano à Bordeaux - www.horloger-pendule-bordeaux.fr