Grâce à une langue des signes adaptée, c’est moins dur, dur d’être un bébé. 

Comprendre bébé ! Quelle maman, quel papa, n’a pas été confronté à cette gageure ? C’est justement pour aider les parents à décrypter les pleurs des tout-petits que dans le cadre de leur projet pédagogique, certaines crèches françaises ont adopté, pour communiquer avec les enfants, le langage gestuel : une méthode inspirée de la langue des signes.

Principe 

L’enfant en bas âge n’a guère de choix pour traduire ses besoins : pleurer ou s’agiter. 

Vers l’âge de 7/8 mois, l’enfant acquiert les capacités motrices de produire certains gestes et comme son développement se fait essentiellement en imitant, son entourage va régulièrement lui proposer d’associer un geste à un mot clef du quotidien. Pour cela l’adulte doit s’accroupir et capter le regard de l’enfant avant de signer le mot. Petit à petit il intègre le sens. Le fait d’être compris le positionne dans un contexte de sécurité et diminue sa frustration. On pourrait objecter que l’enfant a besoin de frustration pour grandir, cependant quand elle vient de l’incapacité de s’exprimer, elle n’est pas constructive car source d’anxiété. Bien que les mots enseignés diffèrent un peu d’une crèche à l’autre, on note principalement : papa, maman, encore, changer, pipi, caca, jouer, manger, boire, eau, lait. Certaines émotions sont également sur la liste : content, colère, peur, triste, avoir mal, interdit. 

Immersion 

Lucie, directrice adjointe d’une crèche publique de la rive droite nous en dit un peu plus. 

« C’est en 2015 que cette pratique a été introduite dans notre structure. Quatre années ont été nécessaires pour installer ce fonctionnement. Tout le personnel qui côtoie l’enfant est impliqué. Il a dû apprendre à coordonner le mot au geste. Les supports que nous utilisons sont les comptines : Petit loup est en colère, L’araignée gypsie. Certains mots sont signés à l’énoncé. Outre ces temps, toutes les actions du quotidien ont leur traduction gestuelle : manger, dodo, changer couche, boire eau. Pour les plus grands nous introduisons les émotions : peur, colère, joie » 

Les parents de Lola, 15 mois, nous rapportent que le soir ils ont des difficultés pour coucher leur fille. Ils repèrent deux gestes qu’elle leur adresse, ils ne comprennent pas. Les dames de la crèche leur donnent la traduction : « encore » « gâteau » sans aucun doute. Lola indique qu’elle a faim. La quantité du repas du soir est augmentée. Ils constatent que les difficultés d’endormissement disparaissent, leur fille est rassasiée. 

La crèche propose des ateliers afin que les parents utilisent cette communication à domicile avec leur enfant. 

Ce jour-là en fin de matinée, le photographe est là, face à tous les minois curieux. Léo, 18 mois, s’agite, se met à pleurer. En temps normal, on pourrait imaginer de nombreuses raisons pour tenter de le comprendre. Ses menottes s’agitent et signent « manger » « manger ». Le déjeuner étant proche, Léo actait sa faim. Après les comptines ou les ateliers musique, le plaisir ressenti outre la petite bouille souriante, les mains disent : « encore » « encore ». 

L’enfant étant un grand consommateur de plaisir, même si à deux ans il acquiert le langage parlé, il poursuit sur un mode ludique le ballet de ses petites mains avec son entourage. 

Après quelques années de pratique, Lucie précise que les résultats sont encourageants, le bruit est réduit, les pleurs et les colères trouvent des échappatoires. 

À l’évidence, le quotidien de ces tout-petits est plus agréable. Ce mode de communication tente de les extraire de l‘univers autistique des débuts de la vie. Des portes sont entrouvertes est-ce un bien, on ne le saura sans doute jamais. Les adultes et les enfants sont plus épanouis, c’est l’essentiel. 

Danièle Gardes