Des arbres et des sons
(Photos P. Guillot)
Des arbres
Dans les nombreux parcs et bois publics, à Mérignac, on aime, on respecte, on écoute la nature !
Lors des journées européennes du patrimoine, visite guidée dans le Parc de Bourran, pour une vingtaine de personnes et quelques enfants. Arnaud Gaillard, un trentenaire à la carrure d’un joueur de rugby, gestionnaire de l’arbre, pour l’ensemble des espaces verts, les entraine dans sa passion.
Le Parc était un domaine viticole vendu en 1791 à l’avocat A. Saige, maire de Bordeaux. C’est un très bel exemple des jardins pittoresques aménagés en France au 18e et 19e siècle, en réaction à la stricte géométrie des jardins à la française. Le château, comme tous ceux des environs, a servi de résidence d’été aux familles bordelaises qui venaient prendre le frais, loin des miasmes du port de Bordeaux. En 1870, le paysagiste Le Breton imagine le parc, profite de la petite rivière, la Devèze, pour créer un vaste étang, dans un parc romantique : lignes courbes, paysage accidenté, végétation généreuse, construction de « fabriques » : pont, cascade, tour, réservoir d’eau pour alimenter les fontaines, même un faux tronc d’arbre, en ciment. Tous ces éléments devaient susciter chez le promeneur rêverie, surprise, mélancolie.
Espaces écologiques
Inscrit à l’inventaire des Monuments historiques, le parc de Bourran est une réserve botanique unique de 18 hectares, plantée de quatre-vingt espèces d’arbres. Les beaux cèdres ne sont là que depuis deux cents ans, ils sont du Liban, de l’Atlas et de l’Himalaya. Dans leur pays d’origine, les conditions de vie ne sont pas spécialement bonnes, mais leur réputation de longévité et la qualité de leur bois est de notoriété biblique. En quittant leurs rocailles, auraient-ils perdu leur âme ? Si l’âme est leur cœur, les bois qui se forment d’années en années indiquent, par l’épaisseur des cernes, une croissance rapide liée à la grande sensibilité aux variations du climat. La dernière tempête a été violente et 10 cèdres ont été abattus. Les bois mal structurés sont fragiles, surtout aux points sensibles, les articulations des grosses branches. Le cèdre, près du château, a 30 mètres de haut, mais la tête a dû être réduite, pour des raisons de sécurité.
Autres fantaisies de paysagiste, les séquoias. Toujours vert, à aiguilles persistantes, cet arbre peut atteindre 60 m de haut, 6 mètres de diamètre et vivre 1000 ans. L’écorce est entre marron et rouge, très épaisse, cannelée, spongieuse, souple, à tel point que des boxeurs l’utilisent pour leur entrainement ! Sur les berges de l’étang, les cyprès chauves, très à la mode en 1950, exhibent leurs « racines respiratoires ». Elles sont verticalement ascendantes, des pneumatophores qui atteignent 30 cm d’épaisseur et 1 m de haut, comparables aux palétuviers des bayous de Louisiane. Les aiguilles sont caduques d’un vert foncé et deviennent rousses, à l’automne, formant un tapis coloré aux pieds de ces arbres originaux.
Plus commun, surtout dans le Midi de la France, c’est le platane. Présent dans ce parc, isolé ou en groupes, on l’utilise pour donner de l’ombre, sa voute peut atteindre 40 m de diamètre. L’écorce, de vert jaunâtre à gris, s’exfolie en vieillissant en grandes plaques irrégulières. Arnaud Gaillard montre aux enfants les parasites, « le tigre piqueur » qui se cache sous l’écorce. Si ces insectes ne sont pas trop nombreux, la vie de l’arbre n’est pas compromise. Certains platanes peuvent subir l’attaque du « chantre coloré »qui, arrivé d’Amérique en 1940, peut détruire l’ensemble des arbres placés en alignement, le long des routes, puisqu’ils ont les racines étalées et imbriquées. Dans toute cette verdure, un arbre annonce précocement l’hiver. Connu de tous les écoliers, ses fruits tombent à la rentrée des classes : c’est le marronnier. Cette année, il était presque nu, à la mi-juillet, précise Arnaud Gaillard. La responsable est une chenille qui mange le parenchyme des feuilles. Pour le respect de l’environnement, pas d’herbicide, on utilise de préférence des pièges à phéromones pour attirer les papillons mâles.
Une question fuse : pourquoi laisser des arbres morts dans ce joli parc ?
Dans les endroits peu fréquentés par les promeneurs, on laisse même des souches déracinées par les dernières tempêtes. C’est dans un but écologique : il faut favoriser la biodiversité, en attirant les oiseaux, les petits animaux. En particulier, il faut avoir un certain nombre d’écureuils, laisser les cavités des vieux arbres où peuvent se nicher les oiseaux, chauve-souris, où poussent les champignons, mais aussi utiliser des tuteurs en bois non traité à l’arsenic ! Ainsi le label EVE, « espaces verts écologiques » a été obtenu.
Promenons-nous…
dans les bois…si le loup n’y est pas... Encore au 19e siècle, dans le parc du château, on menait des battues pour débusquer le loup, plus aucun risque actuellement ! A quelques pas du centre ville, terminus de la ligne A du tramway, ce parc est un espace forestier. Il n’y a plus de château depuis 1960, l’immense espace boisé qui entourait ce manoir du 16e siècle a laissé place aux constructions. Il reste des clairières cerclées de chênes centenaires, de hêtres, charmes, aulnes, frênes. Depuis la tempête de 1999, qui a déraciné de nombreux arbres, un espace original a été inauguré en juillet
2008 : « La clairière de contemplation », imaginée par le sculpteur bordelais, José Le Piez. Une ligne de troncs de pins couchés, curieusement entaillés, serpente sur le sol. Le promeneur est invité à s’asseoir ou s’allonger sur un mobilier rustique, sculpté dans le chêne : une causeuse, des méridiennes, un fauteuil digne d’un roi ou divan pour psychanalyse des bois ! Les élèves du lycée tout proche viennent animer ce lieu. Au centre, l’arbre de vie, énorme souche grignotée par les capricornes, entourée de troncs fichés dans le sol, orientés suivant les quatre points cardinaux, symbolisent les quatre éléments : l’eau par des lignes courbes, la lumière avec un soleil, la terre par une cavité carrée où les enfants ont déposé des châtaignes, l’air avec un oiseau.
Des sons
Autres noms, autres sons
Le parc du Vivier qui entourait la chartreuse en 1780, se nommait « pingalant ». Ce bois servait-il de lieu de rendez-vous ? Le vivier, autrefois utilisé pour l’élevage des poissons, sert de miroir aux nénuphars et aux paons. C’est un lieu de détente ou les pelouses ne sont plus interdites mais ouvertes à toutes les activités, jeux, sports, sieste, pique-nique, Tai chi. La chartreuse reconvertie en hôtel de ville, le salon en salle des mariages, le grand cèdre, aux grandes branches rasant la pelouse, ne manque pas de jouer la vedette, immortalisé sur toutes les photos.
Encore un autre bois, proche de la commune de Pessac, est issu de deux propriétés, Burck et Bon Air. Le slogan : Mérignac, ville verte, est toujours d’actualité ! Les vignobles ont été remplacés par des pins au 19e siècle. C’est là que l’artiste-musicien José Le Piez, inventeur des abrassons, crée « Le jardin des sons ». A l’entrée, un totem en bois de cèdre, à la fois oiseau et tambour indique la direction. Installation de sculptures sonores à percussions ou à caresses qui donne à entendre les sons des bois. Les instruments ont été sculptés dans les cèdres du parc de Bourran, couchés par la tempête Klaus. Une colonne vibrante, fourche de xylophone, tambours à planche et à fente. Chaque son libéré par la percussion des mains ou des mailloches sur les bois, vous parle des arbres. D’autres instruments plus petits, aux encoches nombreuses, des idiophones, doivent se caresser, un peu comme les verres en cristal. L’inauguration a eu lieu, le dimanche 4 octobre, par un bel après midi ensoleillé. Six sculptures, disposées au centre d’une clairière, des spectateurs, assis sur un tapis d’écorces, ont écouté le concert original proposé par la compagnie Ramdam. Les artistes livrent leur secret : on souffle dans le creux de ses mains, on attend l’inspiration et on improvise ! Les enfants se sont précipités pour tester ces instruments à usage libre, ces jouets sonores inhabituels.
En écoutant le chant des bois, perçoit-on la plainte d’un arbre centenaire ou le gémissement du cèdre du Liban ?
lien : www.arbrasson.com
Pierrette Guillot