Nés à Bordeaux
Un musicien, quand il compose une œuvre, pense-t-il à son interprétation immédiate ou à la postérité ?
Instrumentistes, chefs d’orchestre, compositeurs, professeurs, chanteurs, leurs noms vous dit peut-être quelque chose, allez à leur rencontre.
À travers les rues de Bordeaux
Les musicologues avertis peuvent, seuls, évoquer leur virtuosité ou leurs compositions, pour les autres l’attribution de leur nom à une artère incite à rechercher leur notoriété, certes bien souvent passée. Pierre Rode, compositeur et violoniste, né en 1774, musicien précoce écritde nombreuses pièces pour violon et une méthode pour cet instrument, il forme de grands violonistes. Hortense Schneider (1833), à qui on dédia un square, cantatrice soprano célèbre pour sa voix l’est aussi pour sa vie mondaine et tumultueuse. Elle fut inhumée au cimetière protestant de Bordeaux. Charles Lamoureux (1834), violoniste et chef d’orchestre, amoureux de la musique de Richard Wagner, l’impose en France. Il crée les Nouveaux Concerts qui deviendront, en son honneur, les Concerts Lamoureux. Edouard Colonne (1838), violoniste et chef d’orchestre, collabore avec Charles Lamoureux avant de devenir son rival en créant les Concerts Colonne. Pionnier de l’enregistrement orchestral, Charles Tournemire (1870), organiste réputé pour ses improvisations et compositeur de nombreuses œuvres dont plusieurs opéras. Jean Roger-Ducasse (1873), compositeur, héritier spirituel et ami de Gabriel Fauré : son deuxième quatuor à cordes est créé au Château de la Brède en 1953. Joseph-Ermend Bonnal (1880), organiste et compositeur, fut directeur du Conservatoire de Bayonne. Jacques Thibaud (1880), violoniste, musicien d’orchestre sous la direction d’Edouard Colonne, membre d’un trio de musique de chambre de réputation internationale avec le violoncelliste Pablo Casals et le pianiste Alfred Cortot, meurt dans la catastrophe aérienne survenue au Mont Cimet dans les Alpes françaises en 1953. Au cours de cet accident, disparaît également son Stradivarius le Baillot. En son honneur, le Conservatoire de Bordeaux porte son nom.
Privés d’odonyme
La ville n’a-t-elle pas assez de rue ? Leur réputation n’est-elle pas assez importante ? Toujours est-il que leur nom figure sur aucune plaque. Jean-Baptiste Barrière (1707), est un des premiers virtuoses violoncelliste et compositeur. Il exerça son talent en France, en Italie, où il fut l’élève de Francesco Alborea dit « Franciscello » mais aussi à Vienne. Joseph Dominique Fabry-Garat (1774), chanteur ténor à qui la nature avait accordé une superbe voix mais qui la travailla trop tard, composa également. Raoul Laparra (1876) reçut le Grand prix de Rome en 1903 avec la cantate Ulysse, auteur d’opéras dont Peau d’âne qu’il donna à Bordeaux en 1899. Henry Barraud (1900), fondateur de la maîtrise de Radio France en 1946 composa une œuvre importante : musique symphonique, musique de chambre, opéras, musique chorale, mélodies ainsi que de nombreux écrits. Henri-Pierre Poupard (1901) est certainement le plus connu mais sous son pseudonyme Henri Sauguet, nom de jeune fille de sa mère. Dans sa paroisse de Sainte-Eulalie, il suivit les cours de Mademoiselle Loureau de la Pagesse, organiste de chœur. Très marqué par la musique d’église et par l’orgue « L’orgue ! Le rêve de ma jeuneexistence » disait-il, il fut organiste à Saint-Vincent à Floirac. À Bordeaux, il fonde le Groupe des trois avec Louis Emié et Jean-Marcel Lizotte. Sa production est considérable et variée : ballets, opéras-bouffes, opéras, opéras-comiques, symphonies, concertos, mélodie concertante, musique de chambre, une suite symphonique. Travaille pour le cinéma et la télévision, le théâtre avec notamment Charles Dullin et Louis Jouvet. Son ballet Les Forains voit les débuts d’un jeune chorégraphe Roland Petit. Dominique Merlet (1938), pianiste et organiste, élève de Jean Roger-Ducasse, déjà évoqué, après une brillante carrière de concertiste et des enregistrements récompensés par de nombreux prix, il se consacre à la pédagogie et au conseil de nombreux jeunes artistes que vous retrouvez sur les plus grandes scènes internationales comme Jean-Marc Luisada, Philippe Cassard et bien d’autres.
Parler de musique, à part améliorer sa culture générale, n’a pas beaucoup de sens si elle ne donne pas envie de l’écouter.
Daniel Vallee