Création déliée, création débridée
À la rencontre de l'art brut, découverte d'un musée franchement singulier.
Accueil à l'entrée du Musée de la Création Franche (photo J.L. Deysson)
Paisiblement assis sur un banc, appuyés sur leur canne, tête en feuille d'érable, les sculptures des deux personnages de l'artiste Jean-Joseph Sanfourche vous accueillent devant le parvis du Musée de la Création Franche* à Bègles. Franchissez le seuil comme dans une maison particulière, nul accompagnement pendant la visite, pas de gardien, vous déambulez au gré des espaces et des œuvres, des visages et des corps en mouvement, au milieu d'une foison de tableaux colorés, d'un bestiaire impressionnant.
Une rencontre
À l'œil habitué aux œuvres classiques des musées, à la découverte des expositions convenues, à la vision formée et formatée de la perception artistique, le site oppose et propose une rencontre sensible qui peut amener chez le spectateur rejet, résistance, mise à distance, malaise. Les jeunes enfants sont plus réceptifs à ces œuvres et osent y projeter leur imaginaire peuplé de monstres, fantômes, féeries, icones. La salle la plus prisée est celle des lettres et cartes postales adressées au musée, un florilège de décoration, collage, enluminure, personnages et peintures. L'originalité de ce lieu est d'exposer des œuvres d'artistes dont la créativité répond à une nécessité, une obligation, une contrainte interne. Ici, nul besoin de chercher reconnaissance, célébrité ou honneurs, plutôt auteurs qu'artistes, un besoin irrépressible de l'expression.
Se poser, exposer
C'est à Gérard Sendrey, ancien secrétaire général de mairie de Noël Mamère, maire de Bègles que l'on doit le musée. Gérard Sendrey crée à partir de ses propres œuvres et son atelier en 1989 le site de la Création Franche, le musée de Lausanne ayant refusé l'appellation musée d’art brut. Unique en France, il devient municipal en 1996 et, bénéficiant de subventions, l'entrée y est gratuite, les autres lieux dédiés à l'art brut relevant d'initiatives privées.
La galerie, intégrée au site, propose des expositions temporaires de créateurs vivants venus du monde entier. Les œuvres sont ouvertes à la vente, le musée ne perçoit pas de commission, il est l'intermédiaire entre le créateur et l'acheteur. La collection œuvre en marge de l'art actuel.
Passion, vision
C'est avec passion que Pascal Rigeade, ancien chargé de communication depuis 2001 à la mairie de Bègles, aujourd'hui directeur du musée assure les fonctions administratives et les choix artistiques des expositions : « L'objectif pour demain est d'inscrire la Création Franche dans l'arc culturel d'Euratlantique, au sud de Bordeaux, dans la Cité numérique installée dans les anciens bâtiments du centre de tri postal, et d'être un acteur du développement économique local, un équipement d'intérêt métropolitain »
Actuellement le musée détient près de 16 000 œuvres qui proviennent de dons et d'achats par la municipalité. Il propose une nouvelle exposition personnelle tous les deux mois sous forme de monographie d'un auteur. Une nouvelle forme, le LAB se déclinant en trois temps (le temps d'une exposition, carte blanche à un auteur, le temps d'une rencontre et le temps d'une parole donnée à un partenaire) est maintenant offerte au public. Enfin, tous les six mois, à partir du fond permanent, un thème est choisi (densités brutes, féminin pluriel…). Cette programmation dynamique participe d'une volonté de circulation des travaux des artistes vers les collectionneurs, de nouveaux publics et les partenaires, privilégiant « l'effet buvard pour la diffusion » nous indique le directeur.
Si la passion est « ce mouvement affectif intense qui s'empare de quelqu'un en lui faisant prendre parti pour quelque chose », alors le Musée de la Création Franche atteint son objectif.
Jean-Louis Deysson
*58 Av. du Maréchal de Lattre de Tassigny
33130 Bègles
www.musee-creationfranche.com
Du 5 février au 3 avril 2016 : exposition personnelle de Catherine Slowik.
Le LAB : carte blanche à Gérard Sendrey
Collection permanente : Densités Brutes
J.J.Sanfourche, collection permanente (Photo de J.L. Deysson)