Atmosphère
« Être architecte, c’est travailler l’espace »
Frédéric Raffy, 55 ans, architecte installé à Bordeaux depuis 30 ans, décrit ainsi son métier. Son terrain de prédilection est la construction publique parce qu’il s’agit de répondre à des projets à enjeux multidirectionnels. Il travaille donc pour les collectivités, le secteur hospitalier, les écoles, les laboratoires de recherche et réalise très peu de logements. C’est un choix. Fasciné par l’espace, il aménage des places telles que la place Fernand Lafargue à Bordeaux, celles de Saint Geours de Marenne, Sainte Foy La Grande. Et dans sa vie personnelle, il a pour passion, la sculpture. « L’architecture est un travail sur le vide, dit-il, un métier à la croisée de demandes et d’informations, devant répondre à des besoins : clients, usagers, voisinage, normes, budget, temps record et bien sûr, artistique ! Métier de synthèse, projets sans cesse en évolution. »
Imaginer des solutions
« Ce qui caractérise l’espèce humaine, dit-il, c’est qu’elle a ce besoin essentiel d’abris, mais paradoxalement elle manifeste très peu d’intérêt pour l’architecture qui ne fait pas partie de sa culture. Si c’était le cas, il y aurait des bons choix en matière d’urbanisme et non pas des constructions qui n’ont ni sens ni cohérence, ni esthétique et qui durent, telles que les HLM, provisoires de 50 ans !
« Par le métier d’architecte, on est toujours en train d’imaginer des solutions qui n’existent pas. Toute solution est une innovation. Pour que le projet fonctionne bien, il doit avoir une logique, une cohérence, il doit devenir une évidence. » « C’est le vide entre les structures qui fait que les choses existent. » Frédéric Raffy est intarissable sur le sujet.
Aéroports, emblèmes de prestige
Dans notre monde actuel, les bâtiments les plus emblématiques sont les aéroports. Depuis les années 1950, le prestige des villes et des pays semble se jouer là, on ne lésine donc pas en matière d’innovation. « Je dois représenter la puissance, être une prouesse technique, en imposer par mon organisation, utiliser et maitriser les grands espaces, le budget consacré à ma réalisation est pharaonique. »
On n’est donc pas toujours dans le rationnel, la création est guidée par le prestige de la nation, des architectes internationaux sont sollicités.
Celui de Roissy est en étoile, Madrid tout en longueur, (35 millions de passagers par an s’y croisent librement), Tokyo, une ville à lui tout seul, Osaka-Kansai, fabriqué sur une île artificielle est en train de s’enfoncer, Hong Kong et Shanghai sont époustouflants, Pékin (43 millions de passagers) au toit en forme et aux couleurs du dragon), est délirant, 4 km en train pour récupérer ses bagages…
« Espaces de modernité, d’évasion, hors du temps, hors temps ou des gens dorment, courent, flânent. Toutes les destinations à portée de main, immense sensation de liberté, en profonde adéquation avec notre mode de vie. Ordinateur portable, appareils médicaux à la pointe, internet, nous ne sommes que dans la modernité. Nous sommes là, dans sa véritable expression, sublimée certes et pour une fois, l’ensemble de la population adhère parce que c’est beau, grandiose. Transcendance, spirituel, cohérence, comme dans une cathédrale, un palais, une grande gare du 19e siècle, dans certaines salles de spectacles ou usines. L’architecture doit répondre à ce besoin de l’humanité de dépassement. »
Rencontres entre ciel et terre
Depuis que le monoplan de Louis Blériot a traversé la Manche en 1909, premier vol international, l'aviation fascine. Les aéroports suggèrent le progrès, la liberté, et offrent aux architectes la possibilité de concevoir des projets à grande échelle. Ils connaissent une renaissance passionnante et laissent présager un futur au renouvellement permanent. De Lyon à Kuala Lumpur, de San Francisco à Abu Dhabi, tout le gotha mondial de l’architecture est courtisé pour leurs conceptions.
Leurs atmosphères futuristes séduisent les amateurs d’architecture contemporaine. Aussi quand Frédéric Raffy programme un voyage, son choix est conditionné par l’aéroport de l’endroit où il va aller, ses prouesses d’innovation et de dépassement.
Christiane Beaumont