Du local dans l'assiette
Quatre villes de la Métropole coopèrent pour encourager une alimentation saine pour tous et respectueuse de l’environnement
Et si demain, à la maison, à la cantine ou au restaurant, on mangeait de bons légumes bio cultivés et cuisinés sur place ? Bassens, Cenon, Floirac et Lormont, communes déjà associées dans le GPV (Grand projet de villes) créé en 2001, ont décidé d’y contribuer en développant une filière alimentaire sur leur territoire, prenant en compte tout le cycle des aliments : de la production agricole à la consommation en passant par la transformation, la lutte contre le gaspillage alimentaire, la valorisation des déchets, sans oublier le volet formation aux métiers de bouche et celui de l’insertion.
Tout en un
Pour prêcher une saine alimentation durable et solidaire, pourquoi pas construire un temple bien sûr ! C’est le projet Food Factory qui a été choisi pour investir l’ancienne distillerie La Vieille Cure qui surplombe le Parc des coteaux de Cenon. Façade en brique vernie, structures dessinées par les ateliers Eiffel, les bâtiments, aux volumes généreux sont à l’abandon depuis les années 2000. Largement tagués par des artistes de rue, ils ont un réel potentiel, bien anticipé par la ville de Cenon. Après un appel à manifestation d’intérêt (AMI), gagné par le projet Food Factory, la réhabilitation du lieu est sur les rails : un chantier de 10 millions d’euros, piloté par deux promoteurs immobiliers girondins Mixcité et Aqprim qui ouvrira ses portes, peut-être en 2022, pour y installer 5 200 m2 d’activités liées par l’alimentation.
Objectif : contribuer à « nourrir la Métropole de demain » avec des produits de proximité. Vendre des produits alimentaires locaux, les transformer grâce à une conserverie/légumerie, apprendre à les cuisiner dans une école des métiers de bouche, tout doit cohabiter dans la même maison. Food Factory a l’ambition d’être un lieu de rendez-vous de tous les acteurs de l’alimentaire. Tauziet & Co, plateforme spécialisée dans le circuit-court, installée dans les Landes, qui met déjà en relation mille producteurs de la Nouvelle Aquitaine et les consommateurs, y délocalisera son siège.
Est prévu également l’installation d’un restaurant, un espace de coworking et un incubateur de jeunes entreprises. Enfin, les porteurs de cet ambitieux projet souhaitent intègrer des ateliers d‘insertion et des espaces culturels pour spectacles ou expositions, ouverts très largement au public.
Bref, la Food Factory est un « ovni », comme le qualifie Maxime Derrien le directeur du GPV.
Cultures de quartier
Développer la filière alimentaire passe aussi par la production agricole. Les quatre villes du GPV ont identifié 10 ha de terrains cultivables pour développer du maraîchage dont les produits seront transformés, distribués et consommés localement.
Ébauche concrète de ce dispositif : un lopin de terre de 3 ha dans le quartier du Grand Tressan à Lormont qui devrait voir pousser l’été prochain, courges, courgettes et légumes divers à destination notamment de la cuisine centrale de la ville. Les aléas sanitaires ont imposé de décaler de plusieurs mois l’expérimentation mais les premiers semis sont prévus pour le printemps 2021.
En multipliant les lieux de production sur les quatre communes, l‘objectif est d’accroître la part des produits bio et locaux dans la restauration collective publique car celle-ci bénéficie à tous, aux enfants et aux seniors. Sur le territoire concerné, 6 000 repas sont servis par jour. Si les 10 ha recensés sont cultivés, ils devraient permettre, complétés par des serres, de fournir l’approvisionnement en légumes pour 2 100 repas par jour (35 % du total). Ce projet d’agriculture urbaine est retenu et soutenu financièrement par l’ANRU1.
Anti-gaspi
Les produits bio et cultivés sur de petites surfaces sont généralement plus chers. Mais une action est lancée pour lutter contre le gaspillage alimentaire notamment dans les cantines où il est évalué à 40 %. Le réduire permettrait d’acheter des produits de meilleure qualité. À l’automne 2020, une semaine a été consacrée au tri et à la pesée des déchets alimentaires gaspillés dans des écoles-tests. L’objectif étant de faire évoluer les pratiques des enfants et du personnel des cuisines.
Le GPV prévoit également l’acquisition d’un vélo-cuisine, mutualisé entre les acteurs, pour mener des actions de sensibilisation au « mieux manger » au cœur des quartiers : exemple, aider les familles à cuisiner les légumes de saison.
D’autre part, deux plateformes expérimentales de traitement des déchets ménagers seront implantées en 2021 à Floirac et Lormont avec le soutien de l’ADEME2 pour les transformer en compost.
Les objectifs du GPV sont ambitieux, il s’agit de consommer mieux, plus localement tout en réduisant l’impact de notre alimentation sur l’environnement et en participant au développement économique et social de la rive droite de Bordeaux. Rendez-vous en 2026 pour faire le bilan.
Encadré
GPV : Grand projet des villes de Bassens, Cenon, Floirac et Lormont, groupement d’intérêt public pour développer ensemble un projet de territoire de renouvellement urbain, territoire socio économiquement encore défavorisé aujourd’hui. En effet, dans les quatre communes concernées, les indicateurs sociaux sont au rouge (chiffres de 2017) : un taux de pauvreté plus élevé que dans la Métropole (23 % au lieu de 14 %) un taux de chômage de 20 %, plus de familles nombreuses, seulement 42 % de jeunes de 18 à 24 ans scolarisés (68 % dans la Métropole).
1ANRU : Agence nationale de renouvellement urbain
2ADEME : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.
Marie Depecker