Fraises d'Aquitaine
La fraise d'Aquitaine s'élève hors du sol pour atteindre les sommets de la renommée.
Étrange plante. Les Romains la connaissent déjà sous le nom de Fragaria et l'utilisent comme cosmétique. Jacques Cartier, au XVIe siècle, rapporte du Canada une variété encore cultivée de nos jours en Grande-Bretagne. Capricieuse et pleine d'humour : lorsque l'officier Français Amédée François Frézier, en 1714, dérobe dans ses voyages cinq plants de blanche du Chili, il n'obtient aucun fruit, ses pieds étaient tous des mâles. Symbole de l'arrivée du printemps par sa couleur et sa saveur, elle est pour les botanistes un faux-fruit. Les vrais fruits sont les petites graines apparentes à sa surface, les akènes.
L'envol de la fraise
Longtemps il a fallu se baisser pour cueillir les fraises. De la Gorella, on est passé à la Gariguette, cultivée en pleine terre dans des serres chauffées. Mais le sol a ses exigences, il se fatigue, il se pollue. Son nettoyage au bromure de méthyle interdit, quelle solution adopter ? Dans le Marmandais, on cultive déjà la tomate hors sol. Pourquoi ne pas adapter le procédé ? À un mètre vingt les jardins suspendus fleurissent dans les serres. Du substrat, laine de roche, tourbe, écorce de pin ou fibre de noix de coco emplissent les bacs aériens dans lesquels les fraises vont trouver un terrain favorable à leur développement. Alimentés en solutions nutritives élaborées avec soin et savamment dosées, les fraisiers s’épanouissent. La cueillette devient moins pénible et plus rapide. Des surfaces énormes se couvrent de plants (aujourd'hui 20 hectares dans les serres de Martaillac). La surveillance de l'évolution des fruits est facilitée, les problèmes sanitaires quasi écartés et les températures bien maîtrisées. Mais toute médaille a son revers : avec le développement des exploitations, les fournisseurs de plants certifiés sains ont du mal à suivre. Qu'à cela ne tienne, messieurs Bertrand père et fils assureront eux-mêmes les origines de leur production.
Un pied en terre
Ces nouveaux plants, élaborés sur place, ce sont les trayplants. Le stolon prélevé est placé en juillet dans un pot rempli de tourbe. Au mois d'août, il accroche ses racines, la climatologie d'Aquitaine va l'aider à grandir : comme pour les orchidées, nuits fraîches et journées chaudes, ces écarts de température lui sont indispensables pour assurer une floraison abondante l'année suivante. Début novembre, l'hiver approche, la température baisse, c'est l'époque de la dormance. Pour lever la dormance, les plantes sont placées dans un endroit froid entre 2 et 7 degrés pendant un nombre d'heures qui varie avec les espèces (700 h pour la Gariguette). À la fin de cette période, c'est le renouveau, l'explosion d'énergie. Le potentiel acquis est maximum, les plants sont prêts à être replantés et à produire. Installés hors sol et chauffés, ils donneront des fraises savoureuses, régulières et colorées dès le début du mois de mars. C'est une culture programmée tant pour le volume que pour la qualité et l'époque de maturité. Aujourd'hui les serres de Martaillac sont leader européen pour la production de plants (13 millions par an).
capables de supporter le froid. En multipliant in vitro ces nouvelles espèces, les serres de Martaillac espèrent partager leur expérience et faire découvrir aux pays de l’est de l’Europe les incroyables saveurs de l'Aquitaine.
La FIV de la fraise
À l'origine du plant, il y a le stolon, l'enracinement, la température et tant d'aléas. Nouveau défi, nouveau challenge. Pourquoi ne pas faire un démarrage de la plante in vitro ? Un apex, bourgeon terminal, cellule très jeune prélevée, se développe ainsi dans des conditions optimales pour donner très rapidement un plant fille capable de s'adapter au climat et dépourvu de virus et autres maladies. Replanté en août, il produira dès avril. On croit rêver, Aldous Huxley et Le Meilleur des Mondes sont tout près. Jacques Cartier n'est pas loin non plus car Mr. Bertrand travaille avec l'université de Laval au Québec d'où il souhaiterait ramener de nouveaux apex pour créer des fraisiers capables de supporter le froid. En multipliant in vitro ces nouvelles espèces, les serres de Martaillac espèrent partager leur expérience et faire découvrir aux pays de l’est de l’Europe les incroyables saveurs de l'Aquitaine.
Dany Guillon