Le petit bonheur
Les jardins poussent maintenant un peu partout et répondent à un vrai besoin de nature.
L'abbé Lemire[1], qui est à l'origine, à la fin du XIXe siècle, du développement en France des jardins ouvriers, déclarait en 1896 : « Ces jardins […] permettent aux ouvriers d'échapper à leur taudis en profitant d'un air plus respirable, ils les éloignent aussi des cabarets et encouragent les activités familiales au sein de ces espaces verts et leur offrent une autosubsistance alimentaire. » Les jardins ouvriers deviendront officiellement des jardins familiaux après la Seconde guerre mondiale. Implantés initialement dans les régions industrielles et les banlieues des grandes villes, ils sont de plus en plus présents dans des cités moyennes où gagne l’habitat collectif.
Saint-Médard-en-Jalles n’a pas échappé à la règle. Derrière le château de Gajac, en bord de la Jalle de Blanquefort, 70 petites cabanes en bois sont disposées sur des parcelles de 50 à 250 m².
Le partage
Chrislène et Julian louent à la mairie, pour 130 euros par an, une belle surface de 200 m², fourniture d’eau de la Jalle comprise. La mairie, comme à tous les premiers arrivants, leur a fait cadeau en 2007, de la cabane, à charge pour eux de la monter. Depuis, Julian y consacre la quasi-totalité de ses loisirs. Il est vrai que son potager est parfaitement propre et bien organisé. « Bien que je ne sois pas très friand de légumes, dit-il, j’ai un grand plaisir à les semer, à les planter, à les voir grandir et à les ramasser. Je produis plus que nous en consommons, aussi, j’éprouve également une grande joie à en offrir » Il est fier de la qualité de sa production obtenue en utilisant uniquement des engrais naturels : fumier de vache ou de mouton. Pour lutter contre les parasites, seules la bouillie bordelaise et une décoction d’orties trouvent grâce à ses yeux.
Ils ont importé de leur Réunion natale des graines, comme celles d’une délicieuse cucurbitacée, le chouchou, qui pousse parfaitement dans la région et dont ils se régalent, ainsi que nombre de leurs amis qui découvrent avec bonheur ce légume généreux que l’on cuisine de multiples façons.
Profitant de cet espace vert, ils y réunissent de temps en temps des amis pour un barbecue, car les pique-niques amicaux et grandioses de leur île leur manquent !
Exotisme
À quelques dizaines de mètres de là, Michel, retraité de l’enseignement, s’affère autour de plants de tomates récemment plantés. Il vient de constater qu’une courtilière[2] en a coupés. « Il n’y a hélas pas grand-chose à faire pour s’en défaire, dit-il. J’enterre au ras du sol des récipients contenant de l’eau, lorsque l’insecte y tombe, il ne peut remonter et finit par se noyer, ça marche parfois ! Ou alors, il faut le prendre dans sa galerie, ce qui est également aléatoire. » Tout comme son voisin, Michel est un fana de la bouillie bordelaise et prône le recours aux prédateurs naturels pour lutter contre les parasites, c’est ainsi que les coccinelles sont son meilleur allié pour éradiquer les pucerons.
Sa parcelle ne fait que 50 m², mais c’est suffisant pour lui. « Bien que je ne sois pas un expert, j’ai plaisir à cultiver mes légumes, à les manger et à les partager avec mes enfants. De plus, j’évacue le stress et je me donne de l’activité physique, ce qui ne peut qu’être bénéfique pour ma santé ! »
Autre possibilité
D’autres jardiniers amateurs ont opté pour une formule différente, c’est le cas de Christine et Roger qui louent une parcelle privée, toujours en bord de la Jalle de Blanquefort, mais plus en amont. Ils habitent en maison individuelle dotée d’un minuscule jardin largement insuffisant pour assouvir le désir de potager de Christine que partage son mari, Martiniquais d’origine. Les plates-bandes parfaitement entretenues occupent environ 300 m², le reste est seulement enherbé. « Aux beaux jours, nous y invitons nos enfants et petits-enfants pour des réunions de famille pleines de joie. » Eux aussi cultivent, en dehors des produits locaux, le chouchou ou plus exactement la cristophine selon son nom antillais et plusieurs autres plantes exotiques comme l’arachide et le piment fort.
« Avoir des activités familiales au sein de ces espaces verts et permettre une autosubsistance alimentaire » faisaient partie des souhaits de l’abbé Lemire : objectif atteint.
Roger Peuron