Passion chocolat
17 millions de Français consomment quotidiennement du chocolat, cet aliment qui conjugue plaisir du palais et retour à l’enfance, comme une invite à la rencontre des artisans chocolatiers.
Photos de D. Sherwin-White
À Eysines, à la lisière du Taillan-Médoc, tout près de la zone maraîchère longtemps fierté de la commune, la Chocolaterie-confiserie Ségonzac offre au fin gourmet et ce depuis 35 ans, l’arôme de ce délicieux dérivé du cacao.
Une affaire de famille
Jean-Pierre Ségonzac, dirigeant de cette entreprise artisanale depuis 2002 représente la 4e génération d’une famille de confiseurs exerçant depuis 1906. Son père Jean-Pierre sénior écume les fêtes foraines pour y vendre ses produits, nougats, berlingots, sucettes et pommes d’amour, quand en 1978, il abandonne définitivement les stands de foire pour se sédentariser sur une parcelle de la zone maraîchère, propriété de ses beaux-parents, le virage amorcé est décisif, il se lance dans le chocolat. A son décès en 2000, l’intérim est assuré par sa femme Danielle qui passe le témoin à son fils Jean-Pierre en 2002.
Nathalie, dynamique épouse de ce dernier et responsable du magasin confie : « Nous sommes dans la lignée de ces commerces où le savoir-faire se transmet de génération en génération et où le bouche à oreille est le meilleur outil promotionnel de nos produits ». Et de préciser : « Notre cousin Gérard demeure l’un des piliers des foires de la région ».
Nathalie assure en outre la comptabilité de l’entreprise, sa partie commerciale et la gestion des « problèmes particuliers ». Elle ajoute : « Je m’intègre, quand nécessaire dans le groupe des employées polyvalentes composé de Maria, Nancy, Agnès, Laurianne et de mon homonyme Nathalie, elles sont toutes formées sur le tas pour la préparation, la décoration et la vente ».
Olivier et Pascal, les deux chocolatiers sont les maîtres absolus de l’odorant laboratoire où le mythique chaudron de cuivre côtoie les moules spécifiques (tablettes, sujets) et les appareils plus modernes, la couleuse, la tempéreuse, la trempeuse et l’enrobeuse qui recouvre la confiserie d’une couche de chocolat.
Pascal est titulaire d’un Brevet technique de métiers qui prépare à la formation de chef de fabrication.
De grands spécialistes
Presque en face d’une enseigne bien connue, symbole de « mal bouffe » à qui elles semblent faire un pied de nez, les vitrines de la chocolaterie Ségonzac, magnifiquement décorées aux approches de Pâques offrent un spectacle féérique, œufs traditionnels, rochers, truffes, et de géniales créations attestent qu’ici la sculpture sur chocolat existe.Ces produits sont proposés à des clients qui évoluent dans ce cadre attrayant parmi les subtiles odeurs de cacao, là l’émotion du visuel s’allie à l’enchantement des saveurs.
Certains viennent de loin, La Teste, Arcachon, Lacanau, La Brède et s’avèrent d’excellents diffuseurs.
La période pascale et les fêtes de fin d’année sont des moments privilégiés pour déguster et offrir du chocolat Des sommets de vente sont atteints et l’ effectif peut être porté alors à 15 personnes, la production est vendue sur place et certains pâtissiers viennent même s’approvisionner au 295 Avenue du Médoc où d’importantes queues se forment.
Bien sûr, Nathalie évoque les confiseries classiques, bouchons du Médoc, guimauve, dragées, pralines, nougats avant de s’attarder sur la muscadine, ganache au lait pralinée et surtout sur le fleuron de la maison, sans conteste, la guinette au vieil armagnac.
La jeune femme s’enflamme : « Sans prétention, nos guinettes sont meilleures que celles de nos concurrents, elles sont aussi les plus recherchées. Très sommairement, on part d’une cerise légèrement acidulée, la griotte, on l’enrobe de chocolat noir au pur beurre de cacao ce qui préserve la chaleur d’un bon vieil armagnac de 1979 dans lequel le fruit a macéré. Les autres chocolatiers utilisent du kirsch ou du cognac, de plus les queues sont artificielles, les nôtres sont naturelles ».
On sent à la passion des propos de Nathalie, qu’ici, le plaisir de créer est réel et que les secrets de cette alchimie gourmande sont jalousement gardés car la recette ne se récite pas, elle se tente.
Jean-Pierre Ségonzac a grandi comme ses parents et ses grands parents près du chaudron de cuivre, il préserve avec bonheur la réputation de son entreprise en enrichissant la tradition des nouveaux savoirs. Pour cela, il utilise 10 tonnes de chocolat par an.
Amis gourmets, ne cherchez pas à pénétrer cet été dans ce sanctuaire du chocolat, le temps de travail des employés étant annualisé, c’est la trêve des confiseurs, en juillet (récupérations ) et en août (congés).
Mais après pareille rencontre, comment ne pas s’intéresser à l’histoire du chocolat et aux anecdotes qui s’y rattachent ?
Une prestigieuse origine
Les Aztèques et les Mayas, à l’origine des premières manipulations sur les fèves de cacao associaient le chocolat à leur dieu Quetzalcoatl , dieu de la fertilité.
Mais si le chocolat est arrivé jusqu’à nous sans doute le doit-on à l’empereur des Aztèques, Moctézuma II qui offrit sa plantation royale de cacaoyers à Hernań Cortez. Le cruel conquistador assura ainsi à l’Espagne un monopole sur le cacao durant deux siècles, et dire que Christophe Colomb n’y avait pas prêté attention !
Anne d’Autriche, fille de Philippe II, lui fit franchir les Pyrénées dans sa corbeille de noces en 1615, son époux, Louis XIII fut immédiatement séduit au point que boire du chocolat devint un symbole de rang social.
Le mariage de Louis XIV et de Marie-Thérèse renforce encore cet engouement et en 1659, David Chaillou ouvre boutique et sera le premier chocolatier français. L’Europe à son tour est gagnée par cette frénésie.
Bien plus tard, de grands noms donneront ses lettres de noblesse au chocolat, Conrad Van Houten, Hnéir Nestlé, Rodolphe Lindt, Théodore Tobler, Philippe Suchard ou encore Léonidas Kestekidès.
Chaud, chaud, cacao
Balzac estimait que le chocolat permettait de maintenir plus longtemps les facultés intellectuelles, considéré comme très nourrissant il améliorerait l’endurance physique, son utilisation comme thérapie était préconisée car il recélerait des propriétés revigorantes. Mais ce sont surtout ses vertus aphrodisiaques qui ont entretenu sa légende à travers la petit Histoire.
Ainsi dans son « Traité des aliments », en 1702, Louis Lemery précisait : « Ses propriétés sont de nature à exciter les ardeurs de Vénus ».
Les chocolatiers italiens se trouvaient à l’origine de la journée de la Saint Valentin, appelée Lupercalia où les garçons prenaient femme. On raconte qu’au 17 ème siecles, les indiens s’enduisaient les zones érogènes d’une bouillie de cacao et qu’en Europe un austère théologien condamna fermement la consommation de chocolat dans les couvents, ce breuvage pouvant échauffer les « esprits ».
Alors, le chocolat, philtre d’amour ?
Toujours est-il que Madame Du Barry en servait une tasse à ses amants quand Madame De Pompadour absorbait de grosses quantités de chocolat ambré pour mieux satisfaire Louis XV.
Que dire du sulfureux Marquis de Sade, distribuant à l’envi des pastilles de chocolat à ses invités lors de bals très particuliers !
Grâce soit rendue à tous ceux qui nous permettent d’apprécier aujourd’hui la douceur et la volupté d’un chocolat enfin démocratisé.
Les artisans-chocolatiers et leur sens artistique, sont de véritables marchands de plaisir. ( c’est ainsi qu’on appelait les confiseurs au 19e siècle).
Jean-Pierre et Nathalie Ségonzac sont bien leurs dignes successeurs.
Claude Mazhoud
Chocolaterie-confiserie Ségonzac
295 Avenue du Médoc
33320 Eysines
Sources : Chocolat, l’or noir des gourmands de Jeanne Morana et Jean-Claude Tabernie
L’économie du chocolat
- La France est le 4ème pays producteur du monde avec 439 000 tonnes de produits vendus,
derrière les USA, l’Allemagne et la Norvège.
- La production française a enregistré une croissance de 33 % entre 1990 et 2000.
- La consommation mondiale annuelle de fèves de cacao avoisine les 600 000 tonnes.
- En Europe la Suisse est en tête de la consommation de chocolat avec plus de 10 kg par
personne et par an. ( Le podium est complété par l’Autriche et la Norvège ).
- La Françe avec 6,8 kg se situe au 6ème rang devant la Belgique 5,3 kg.
- Ce qui correspond à un marché de 2,2 milliards d’euros.
( 550 millions d’euros durant les fêtes de fin d’année)
( 200 millions d’euros durant les fêtes de Pâques)
- 30 000 personnes travaillent dans le chocolat en France.